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de Pierre Célestin. Le roi tenait peu à la sainteté du vieil ermite ; mais cette canonisation était encore un outrage à la mémoire du pape qui avait traité Célestin avec les dernières marques de mépris.

La mort de Henri de Luxembourg, qui, quelques années auparavant, aurait eu les plus graves conséquences, passa presque inaperçue. Le pape, depuis les complications survenues pendant le voyage de l’empereur en Italie, avait cessé de se fier à lui. Clément n’avait plus rien à craindre d’aucun côté. La protection du roi de Naples, son vassal, sur les terres duquel il résidait, lui suffisait amplement. Les embarras intérieurs du roi Philippe augmentaient de jour en jour. Les ressorts de la constitution de l’empire allemand étaient tellement relâchés que l’on resta près de quatorze mois sans donner un successeur à Henri. Clément en profita pour un de ses actes les plus hardis. Par une bulle datée de Montils (2 des ides de mars an IX), il institua son fils dévoué, Robert de Naples, vicaire en Italie, quant au temporel, tant qu’il plairait au saint-siège. La complète différence de situation entre le royaume de France et l’empire d’Allemagne à l’égard de la papauté se voit ici dans tout son jour.

En somme, Clément avait tiré la papauté des plus grands dangers qu’elle eût courus depuis des siècles. Il se reposait et il en avait le droit. Sa principale occupation était désormais de réunir et de coordonner les constitutions du concile de Vienne, pour en former un septième livre de Décrétales, parallèle au Sexte de Boniface VIII. Ce travail s’exécutait sous ses yeux, et Clément, qui n’avait jamais Guère estimé que le droit canon, voyait sa mémoire assurée de l’immortalité. Mais sa santé était tout à fait ruinée. Le goût qu’il avait eu pour Avignon commençait à passer. Il se prit à préférer Carpentras, se transporta dans cette ville, l’embellit et la pourvut de fontaines. Le 21 mars, se trouvant avec toute sa cour, dans les environs, au château de Montils ou Monteux, qu’il avait acheté pour son neveu Bernard, vicomte de Lomagne, il fit publier devant lui, en consistoire, les constitutions qu’il avait rédigées. Son état de maladie empêcha que le livre fût envoyé aux universités et rendu public, selon la coutume. Le pape crut que l’air du pays où il était ne lui rendrait la santé; il se mit en route pour Bordeaux; mais il mourut à Roquemaure, sur le Rhône, le 20 avril 1314, après avoir tenu le saint-siège huit ans, dix mois et quinze jours. Son corps fut rapporté à Carpentras, puis transféré, comme il l’avait ordonné, à sa ville natale d’Uzeste, où son tombeau se voit encore. Le trésor papal fut pillé incontinent après sa mort, et l’on accusa Le vicomte de Lomagne d’avoir détourné l’argent destiné à la