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dans ce drame. On ne l’écoutait pas : il se retira dans la solitude de ses montagnes, et c’est en suivant de loin la lutte entre les modérés et les ultras qu’il écrivit les volumes supplémentaires de la Monarchie française.

Il rêvait une reconstitution sociale en même temps qu’une restauration politique. A ses yeux, la dissolution était arrivée à son dernier terme sous le directoire. La propension à la vie de tous les élémens dissous avait amené divers essais de recomposition. La domination, qui ne pouvait plus appartenir aux masses, avait alors passé entre les mains des hommes de lois. « Il était beau, s’écrie Montlosier, de voir ces misérables qui n’avaient rien dans la tête, rien dans le cœur, mais beaucoup de formules prises dans la révolution, essayer de refaire avec ces formules un ordre social. Pour y parvenir, ils tourmentèrent la France de toutes les manières. A la fin, témoins de la lassitude générale, ils prirent leur parti... Un soldat, porté par la plus grande gloire militaire qui ait jamais existé, se plaça sur le trône. Depuis longtemps il avait l’habitude du principe d’ordre, qui est propre aux armées. Il s’en servit pour les citoyens. »

Que substituer à ce régime? Montlosier définit ce qu’il appelle la contre-révolution. Il déclare qu’il ne veut pas revenir aux lettres de cachet, au pouvoir absolu, aux corvées, aux dîmes, mais à ce qu’il croyait être les vœux de la France au moment de la convocation des états. Il entend par là le rétablissement de deux chambres accordant l’impôt et concourant à la formation des lois, l’abolition des immunités pécuniaires de la noblesse, mais le rétablissement de ses privilèges d’honneur, un corps aristocrate héréditaire, mais avec l’admissibilité de tous les citoyens aux places sans autre distinction que les préférences du mérite.

Tel était le système politique de Montlosier. Non pas qu’il se fit des illusions sur les dispositions d’esprit des émigrés; dans le discours préliminaire placé à la tête du sixième volume, il parle d’eux comme il en parlait à Londres, comme il en parlera toujours dans sa correspondance. Rentrant dans la France nouvelle, rien ne fut changé dans leur imagination. La révolution, le consulat, l’empire, les armées, les batailles, les victoires, tout cet ensemble de choses prodigieuses ne passèrent pas à leurs yeux pour avoir une existence réelle. La restauration avait eu beau s’effectuer comme la restauration de la royauté, ils la proclamèrent comme étant la leur. Dès le premier moment, ils s’étaient emparés non-seulement du roi et de la famille royale, mais du château même et des appartemens.

Montlosier se séparait de ce milieu. Il voulait bien constituer un sol véritablement royaliste, mais il ne voulait pas en exclure la