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pensées et les sentimens du parti de l’ancien régime. Critiquant amèrement l’Angleterre et ses institutions, attribuant à l’invasion des doctrines étrangères la ruine de ce qu’on appelait les principes politiques et religieux, M. de Donald ne voyait pas la liberté dans le jugement par le jury, dans le vote de l’impôt, dans la liberté de la presse, dans la participation des députés au pouvoir législatif; il la faisait consister uniquement dans l’admissibilité aux fonctions publiques. L’égalité devant la loi lui paraissait avoir existé avant la révolution, et le peuple français était plus heureux alors qu’il ne l’avait jamais été.

Tout est à lire dans cette apologie passionnée du passé.

L’aversion pour la constitution anglaise n’avait-elle pas inspiré au comte d’Artois ce mot connu : J’aimerais mieux scier du bois que d’être roi aux conditions du roi d’Angleterre? et cet autre, plus tard, au moment de donner à la charte une interprétation funeste : En Angleterre, les ministres gouvernent ; en France, c’est le roi.

La condition qui faisait le plus défaut pour l’acceptation complète du système qui fut la force de l’Angleterre, c’était toujours une aristocratie. Notre seconde chambre ne pouvait être la chambre des lords. L’aristocratie française n’avait pas été une puissance politique, mais une prééminence sociale. Il y a longtemps que ces vérités presque banales ne sont plus discutées.

La formation d’un corps électoral dont tous les membres seraient, en vertu d’un droit, appelés à nommer directement les députés, fut le champs clos où la classe moyenne et ceux qui combattaient son avènement se rencontrèrent. Les lois électorales sont des lois essentiellement politiques, celles qui caractérisent le mieux la nature du gouvernement.

La doctrine de la révolution avait été celle de la souveraineté du peuple. Elle avait, en fait, pris naissance lors de l’élection des députés du tiers en 1789. Chaque Français concourut par délégation à l’expression des vœux transmis par les cahiers. C’est au nom de la nation que les députés parlèrent; c’est en elle que fut placée la source de tous les pouvoirs, à la constituante comme à la convention.

Qu’entendirent par les mots « souveraineté du peuple » les publicistes ou les orateurs qui s’en portèrent les défenseurs sous la restauration? était-ce l’exercice constant et direct du pouvoir par les citoyens? Les plus chauds partisans du principe n’y songeaient pas. Le peuple à leurs yeux était incapable d’exercer par lui-même la souveraineté. Ils lui réservaient seulement le droit de la déléguer.

En donnant la charte à la France, Louis XVIII avait adopté la