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V.

C’est une noble entreprise que de rallier autour du drapeau de la république libérale tous ceux qui ne séparent point la république et la démocratie de la liberté. Parce que l’empire de l’habitude, la force de la discipline, l’influence de la camaraderie, et peut-être certaines attaches électorales retiennent encore le gros du parti dans les vieux cadres où domine maintenant l’esprit jacobin, faut-il que le nombre soit l’unique règle de conduite parlementaire? faut-il que cette brutale puissance fasse taire toute raison et toute conscience? Non, et quel que soit le résultat d’une pareille entreprise, elle est de celles dont on sort comme on y entre, la tête haute, le cœur ferme, la conscience tranquille. Le parti qui la commence espère la mener à bonne fin, en y mettant autant d’énergie que de patience. L’illustre chef dont il n’a jamais aussi profondément senti la perte avait dit : « La république sera conservatrice ou ne ne sera pas. » Maintenant que la liberté est mise en question, il ajouterait, s’il vivait encore : « La république sera libérale ou ne sera pas. » Le parti qui s’inspire de ses sentimens et de ses exemples ne comprend la république qu’avec la liberté, la justice, la paix sociale et religieuse. C’est pour celle-là qu’il a travaillé, qu’il a combattu, non pour cette autre qui n’en a que le nom et qui ne vivrait que pour détruire ces grandes et saintes choses. N’est-ce pas le cas de répéter avec le poète :

Et propter vitam vivendi perdere causas!


Qu’importe que la république vive, si ce n’est pour faire revivre la France, et relever sa fortune !

Ce n’est pas seulement pour l’honneur des principes que le parti républicain libéral a résolu de faire campagne; c’est aussi pour le salut de la république. Entièrement convaincu qu’elle ne peut vivre qu’avec ces principes qui lui ont donné l’autorité, le prestige, la popularité dont elle a besoin, il songe à l’avenir que lui préparent ses ardens, mais aveugles amis, en lui aliénant des classes et des ordres de citoyens qui ne demandent qu’à vivre et à travailler à l’ombre tutélaire de son drapeau. Maître des élections aujourd’hui, le parti républicain est-il sûr de l’être demain, dans ce pays d’impressions si mobiles et d’allures si vives? Un parti sage prévoit toujours un revirement possible dans l’opinion publique et même dans le sentiment populaire. Il ne craint pas des dissidences qui l’avertissent et le sauvent au besoin sans l’affaiblir. Il ne joue pas ses destinées, comme on dit, sur une seule carte. C’est pour cela que, dans tous les pays libres, il y a des partis de gouvernement