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particulièrement, il lui arrive de s’en tenir à un style un peu effacé et de sacrifier un peu trop l’expression caractéristique au besoin de la correction, combien d’autres ouvrages a-t-il produits dans lesquels cette correction scrupuleuse se concilie avec une véritable force d’invention et laisse, même sous les dehors les plus circonspects, l’émotion intime du peintre se trahir et se faire jour !

Quoi de moins violent, par exemple, quoi de moins audacieux dans les formes que le style employé par Hesse pour l’exécution de ses peintures monumentales et, en même temps, quoi de moins banal? Nulle prétention à surprendre ou à éblouir le regard, mais nulle concession non plus à l’esprit de routine. Ici tout révèle un art de bonne foi, une science sans morgue, une application constante à rechercher les moyens de persuader plutôt que les occasions d’exercer une influence despotique ou une séduction de surface. Lors même qu’il s’agit d’une composition tout arbitraire, d’une scène tout idéale, comme celle que représente le plafond du palais du Commerce à Lyon, Hesse, pour l’accomplissement de sa lâche, n’a garde de recourir à une poétique de convention ou à de simples adresses de métier. Quelque prévues que puissent être, dans une peinture à la gloire de Lyon, des figures personnifiant la ville et ses industries, le Rhône et la Saône, le Travail et le Commerce, le tout prend sous le pinceau de Hesse un caractère assez neuf pour que le fond même de ces formules inévitables s’en trouve ou en paraisse rajeuni; quelque part qu’il ait fallu nécessairement faire à la richesse de l’aspect dans une œuvre décorative, ce luxe pittoresque ne s’y étale pas si bien qu’il prédomine indiscrètement sur le reste.

A plus forte raison, les effets résultant du clair-obscur ou du coloris sont-ils, dans les peintures exécutées par Hesse sur les murs des églises, subordonnés aux conditions immatérielles que comportait le thème lui-même et à la nature des sentimens que l’artiste devait traduire ou exciter. La chapelle de Saint-François de Sales à Saint-Sulpice, et surtout la chapelle de Saint-Gervais et de Saint-Protais, se distinguent des ouvrages du même genre que notre temps a vus naître par une fermeté dans le faire, par une sobriété forte dont les tableaux peints par Hesse ne portent pas aussi ouvertement l’empreinte et dont on ne trouverait guère d’équivalent que dans certaines œuvres du passé. Il y a loin de cette manière valide au purisme maladif des sectateurs allemands d’Overbeck ou à la naïveté prétentieuse et au style pointilleux des préraphaélites anglais; il y a loin aussi de l’exactitude avec laquelle chaque sujet est ici étudié et rendu dans sa vérité morale ou historique à ces banalités de composition ou de costume, à ces procédés de mise en scène