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Le fluor et le chlore ne sont pas intervenus seulement dans le remplissage des fissures ouvertes dans les roches anciennes : ils ont eu part aussi au phénomène plus obscur et plus complexe de la cristallisation du granité. Tous les faits sur ce point ont confirmé les prévisions théoriques. De même aussi la transformation du granité en kaolin, loin d’avoir toujours pour cause une décomposition journalière du feldspath, a été due souvent aux agens fluorés qui ont accompagné la venue de l’étain. Elle s’est produite en effet aux abords des massifs quartzeux qui contiennent les amas stannifères, et l’âge en est attesté par ce fait curieux que des aiguilles de tourmaline se sont en partie substituées aux prismes de feldspath décomposé. Il en est ainsi sur maint gisement en Cornouailles et au Devonshire, d’après M. H. Colins, à la presqu’île de Banca, suivant M. Verbeck. De même aussi en France, dans l’Allier, où le kaolin de la Lizolle présente de nombreux grains de cassitérite, ou dans le Limousin, dont les carrières actuelles de kaolin sont souvent en relation avec des excavations ou des monceaux de débris, derniers témoins des anciennes exploitations d’étain dont les Gaulois savaient tirer parti avec une si étonnante perspicacité. Ajoutons enfin que les considérations émises par M. Daubrée sur le rôle du fluor ont été singulièrement justifiées par MM. H. Sainte-Claire Deville et Caron, qui arrivaient à reproduire le corindon par l’action de fluorures volatils sur des composés oxydés; ou par M. Hautefeuille, qui, par des procédés analogues, parvenait à obtenir tantôt le corindon, tantôt l’oxyde de titane sous ses trois formes naturelles. Enfin tout récemment MM. Frémy et Feil ont encore utilisé l’action du fluor pour l’imitation artificielle de diverses pierres précieuses, et notamment de silicates cristallisés dont les vitrines de l’exposition universelle contenaient de beaux échantillons.

L’expérimentation n’a pas été moins heureuse en ce qui concerne les filons concrétionnés. Personne n’ignore aujourd’hui que le remplissage en est attribué aux lentes incrustations déposées par des sources thermales sur les parois des fentes qu’elles parcourent pour monter des profondeurs vers la surface. Comment se sont accomplies toutefois des réactions à coup sûr fort différentes de celles de nos laboratoires? Sénarmont avait le premier réalisé autrefois dans ses belles recherches la synthèse de plusieurs minéraux, et bien d’autres chimistes éminens l’ont suivi dans cette voie. Mais M. Daubrée a été assez heureux pour surprendre dans quelques-unes de nos stations thermales, à Bourbonne, à Plombières, à Bagnères-de-Bigorre, les phases successives d’une sorte d’expérience faite en grand par la nature elle-même.

A Bourbonne notamment, les travaux de captage ont mis à découvert