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peut pas risquer de lui donner un ordre par écrit; que par conséquent lui (Luckner) ne peut pas avoir de plus grande certitude que celle que je vous ai envoyée hier dans ce que j’ai certifié et signé.


Dans l’intervalle de ces communications, dont la plupart se croisaient et ne correspondaient plus aux besoins imprévus et aux périls que chaque jour de plus passé dans cette incertitude amassait sur l’armée de Condé et surtout sur les avant-postes si hardiment conduits et maintenus sur l’extrême frontière par M. de Vioménil et le prince de Condé, il avait fallu commencer le mouvement de retraite exigé par les Allemands. Le prince, obligé de donner l’ordre de départ à la légion de Mirabeau et au régiment de Berwick, déclarait à Vioménil qu’il songeait lui-même à les suivre, n’ayant plus assez de monde pour se maintenir dans ses positions.

M. de Vioménil s’indigne et s’exalte à cette pensée.


Permettez, monseigneur, à ma franchise habituelle l’aveu de la peine extrême que j’éprouverais si Votre Altesse quittait la position d’Oberkirch. Il lui reste encore plus de douze cents hommes pour défendre la gorge d’Oppenau ; ce nombre s’accroîtra chaque jour par les émigrés et les déserteurs qui s’y réuniront ; il est déjà plus que suffisant pour rendre le passage impraticable.


Suit le détail des moyens à employer pour retenir et cacher quatre cents hommes du corps de Mirabeau, choisis parmi les volontaires d’Alsace et de Bourgogne, disséminer dans les villages les compagnies les plus sûres, profiter des offres d’un juif de Worms, qui se charge des logemens, etc. On voit par ce dénombrement que les trois mille hommes que le prince avait sous ses ordres directs en février 1792 se répartissaient entre les corps ci-après : légion de Mirabeau, où les volontaires de chaque province se groupaient en compagnies, régiment de Berwick, cinq brigades de chasseurs nobles à pied, une compagnie formée d’officiers d’artillerie, une autre formée des officiers de Dillon, les chevaliers de la couronne, un corps de gentilshommes à cheval, le régiment de Condé-infanterie ; plus, cinq cents chasseurs du pays, promis par le bailli d’Oppenau. Au total, neuf états-majors, beaucoup d’officiers, peu de soldats.

Vioménil termine ainsi :


En demeurant à portée de Strasbourg, Monseigneur sera en mesure de profiter d’une explosion qui peut se produire d’un instant à l’autre; la nouvelle maison du Roi qui se forme à Paris doit être complète le 1er mars; on me mande que cette époque est attendue avec impatience