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1694). Le jour même du vote du parlement, Michel Godfrey, premier sous-gouverneur de la banque, se rendit à Namur pour en porter la nouvelle avec des fonds à Guillaume III. Le roi voulut lui faire lui-même les honneurs du camp. Pendant leur promenade, un boulet atteignit Godfrey, qui fut tué sur place à côté du roi; mais Namur fut pris.

Le premier acte de concession ne contenait aucun privilège ni monopole. En 1697, les besoins persistans du gouvernement amenèrent de nouveaux arrangemens. Le capital de la banque fut à peu près doublé; en retour, il fut convenu que, pendant l’existence de la corporation du gouverneur et de la compagnie de la banque d’Angleterre, aucune autre banque ne pourrait être établie par le parlement. Les embarras du gouvernement se reproduisirent dans la longue guerre de la succession d’Espagne. Malgré ses victoires, il eut encore recours à la banque d’Angleterre en 1709. La banque dut doubler son capital, c’est-à-dire quadrupler le capital primitif. Cette fois, des concessions décisives furent consenties à la banque, Il fut, en effet, stipulé que, « pendant l’existence de la banque, il serait illégal pour aucun corps politique ou corporation quelconque, érigée ou à ériger, autre que celle du gouverneur et de la compagnie de la banque d’Angleterre, ou pour toutes autres personnes, unies ou à unir en sociétés ou participations, excédant le nombre de six, dans cette partie de la Grande-Bretagne, appelée Angleterre, d’emprunter, de devoir ou de prendre aucune somme en argent ou billets au porteur à une échéance moindre de six mois. »

Telle est la formule qui, successivement insérée dans les diverses prorogations obtenues par la banque d’Angleterre, a été la seule loi sur les banques en Angleterre, jusqu’en 1826, c’est-à-dire pendant cent dix-sept ans.

La banque d’Angleterre est l’institution anglaise qui représente le mieux l’entente établie entre les riches marchands de la cité de Londres, dévoués à la révolution de 1688, et le gouvernement de Guillaume III. Cette entente s’est toujours maintenue. Dans aucune circonstance, la banque n’a fait défaut au gouvernement ; par contre, les marchands de la cité sont toujours demeurés les maîtres de la banque. Ses vingt-quatre directeurs se recrutent eux-mêmes parmi les marchands de la cité, sauf l’approbation des actionnaires ; ils désignent le gouverneur et le sous-gouverneur. Le gouvernement n’a aucun droit d’intervention, de contrôle, ni de confirmation. Il ne l’a jamais réclamé. Nul ne songe à le lui conférer.

Habilement dirigée dès l’origine, la banque d’Angleterre est devenue bientôt la première banque de l’Europe. En 1778, ses dépôts s’élevaient déjà à 4,662,000 livres, somme considérable pour l’époque. En 1793, par suite de l’émigration des familles françaises,