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est incomplet, les tableaux sont mal classés et mal placés; des conservateurs, nouvellement nommés, ne savent ni de qui sont les tableaux, ni d’où ils viennent, — ils ne peuvent donner aucun renseignement, n’en ayant eux-mêmes reçu aucun. Ailleurs, il n’y a pas de conservateur, le conseil municipal ne vote aucun fonds, la commission ne se réunit jamais, le musée n’est ouvert au public qu’une fois par mois, comme à Melun et à Sens, ou reste deux ans et demi fermé, sans aucun motif, comme à Bernay. A Libourne, le conseil municipal a trouvé bon d’échanger avec la fabrique de l’église paroissiale les Vendeurs chassés du temple de Manfredi (tableau provenant du Louvre) contre un mauvais tableau de l’école de l’empire qui remplit à lui seul une immense paroi du musée. A Bordeaux, on a échangé aussi avec l’église Saint-Michel un magnifique Jordaens contre je ne sais plus quelle grande toile. Dans plus de trente musées, la place manque totalement, et un grand nombre de peintures sont reléguées dans les greniers. Combien de tableaux appartenant à des musées sont placés dans les églises, les préfectures, les établissemens scolaires! Chose véritablement inouïe, à Limoges, le musée a disparu ! Il y avait un musée, il n’y en a plus. C’est à croire qu’un prestidigitateur a passé par là. Ce musée possède ou à mieux dire possédait deux cents tableaux parmi lesquels un admirable portrait de Nattier, un Léonard Limosin du plus haut intérêt, un La Tour, des tableaux de Daubigny, de Troyon, de Guillaumet. En 1874,ces toiles, qui occupaient deux des travées du musée céramique, en ont été enlevées de façon à ce que l’on pût installera leur place de nouvelles collections de porcelaines. Les tableaux ont été placés à la mairie, à la préfecture, au collège, jusque dans les salons du cercle et dans le foyer du théâtre ! Quelques-uns, ceux qui n’ont pas été jugés dignes de décorer la préfecture ou le foyer du théâtre, ont été roulés et relégués dans un grenier. De ces tableaux aujourd’hui nul ne s’occupe, nul n’a la responsabilité. Tout le monde, même le préfet de la Haute-Vienne, ignore qu’il y a eu à Limoges un musée de peinture. Il n’y a naturellement pas de conservateur, il n’y a pas de catalogue, il n’y a pas même un inventaire. En fait, il n’y a plus de musée.

Si la majorité des conservateurs qui, sauf dans les grandes villes, ne sont pas rétribués, remplissent leurs modestes fonctions avec un zèle éclairé, si on trouve parmi eux des connaisseurs accomplis, comme le conservateur du musée d’Orléans, des artistes de talent comme le conservateur du musée de Blois, de remarquables érudits comme le conservateur des antiques de Toulouse, il y a aussi beaucoup de conservateurs qui sont tout à fait au-dessous de leur tâche. Certains bibliothécaires, par exemple, qui dans un grand