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L’inégalité, primitivement si grande entre les deux sexes, diminue ; une loi d’équité règle la conduite des parens envers leurs enfans. Et si, dans un même état, certaines classes sont restées militaires tandis que d’autres sont devenues industrielles, ce sont invariablement celles-ci chez qui cette lente évolution domestique se produit tout d’abord. On a remarqué, à propos des lois de succession dans l’ancienne France et de la situation faite par ces lois aux enfans d’âge et de sexe différens, que toujours les familles nobles et féodales restent fortement attachées au principe de l’inégalité, et que, dans tous les pays, les familles bourgeoises et roturières se laissent facilement pénétrer par les idées d’égalité.

Telle fut dans le passé l’évolution de la famille : que sera-t-elle dans l’avenir ? Sur cette grave question M. Spencer est très réservé, et nous ne saurions lui en faire un reproche. Il ne croit pas que, sur toute la surface de la terre, le type de la famille devienne jamais identique ; certaines influences de milieux, d’habitat, maintiendront probablement dans quelques régions de l’Asie, de l’Afrique, de l’extrême Nord, les formes inférieures de la polygamie, de la polyandrie, voire de la promiscuité. Quant à la monogamie, elle est l’expression définitive de la société domestique chez les races les plus élevées ; la seule modification que le progrès puisse lui faire subir, c’est de la rendre plus rigoureuse et surtout plus sincère. L’évolution ultérieure des sentimens sociaux aura pour effet de frapper l’adultère d’une réprobation croissante et d’attacher une flétrissure aux mariages d’intérêt, sortes de survivances de l’état sauvage où le mari achète la femme et la femme le mari. En même temps la contrainte du lien légal perdra de plus en plus de sa valeur, et l’affection réciproque des époux deviendra l’élément essentiel de leur union. Par suite, l’affection disparue, l’union devra cesser de plein droit. Mais ce même progrès qui aura rayé de tous les codes l’interdiction du divorce l’aura rendu à peu près impossible ; des mœurs plus pures, une sympathie plus vive et plus éclairée, une intelligence plus haute des fins véritables du mariage, des conditions du bonheur conjugal et des dangers que lui font courir l’aveuglement et la mobilité de la passion, assureront par la perpétuité d’un libre consentement l’indissolubilité du lien conjugal beaucoup mieux que ne le font aujourd’hui les prescriptions impérieuses de la loi.

La femme de l’avenir sera plus que celle de nos jours l’égale de l’homme : au point de vue domestique, comme au point de vue politique, une émancipation plus complète semble lui être réservée. Déjà, dans les relations sociales, la femme est généralement entourée de déférence et de respect ; l’écueil serait qu’elle en vînt à méconnaître le caractère des égards qu’on lui témoigne et à réclamer