Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 38.djvu/688

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des hommes considérables, et si on lit attentivement quelques-uns des discours prononcés dans le parlement, on verra que, si l’on n’ose encore soutenir tout à fait cette thèse, il suffirait de quelques paroles d’encouragement pour en obtenir l’aveu.

Laissons de côté ces exagérations et venons-en à des théories moins absolues, mais non moins dangereuses.


II.

Dans l’organisation actuelle des chemins de fer, les tarifs spéciaux jouent un rôle prépondérant; ils représentent environ 80 pour 100 du tonnage et 70 pour 100 des recettes ; le reproche qu’on leur fait le plus fréquemment, c’est l’arbitraire avec lequel ils sont consentis par les compagnies. Il est inadmissible, dit-on, que, sans autre règle que leur bon plaisir, les compagnies puissent favoriser telle branche d’industrie ou telle région. Nous n’avons pas besoin d’affirmer de nouveau que ce bon plaisir n’existe pas, et que l’étude des tarifs spéciaux est régie par des règles parfaitement fixes, nous croyons l’avoir suffisamment démontré; mais cette vérité est méconnue, et on demande formellement que les tarifs spéciaux soient supprimés, que les compagnies adoptent une taxe unique, kilométrique, que la même marchandise paie la même somme pour faire le même nombre de kilomètres, quelle que soit la région où elle se meut. Il est à peins nécessaire de faire remarquer que cette égalité est chimérique : après que vous l’aurez décrétée pour les transports en chemin de fer, vous n’en aurez pas moins des régions desservies par les voies navigables ou par le cabotage, régions dans lesquelles les transports seront plus économiques. Néanmoins, pour les esprits superficiels, nous convenons que ce système est séduisant ; il est appliqué aux chemins de fer de l’état belge; il est appliqué aux chemins de l’Alsace-Lorraine, et le chancelier de l’empire allemand cherche à l’introduire dans l’exploitation des chemins de fer de l’Union allemande. Il est donc utile de connaître le fonctionnement de ce système : prenons pour exemple celui d’Alsace-Lorraine.

Le principe est l’uniformité de la taxe et la suppression de tous les tarifs spéciaux. La taxe kilométrique décroît à mesure que la distance augmente. Les expéditions sont divisées en un petit nombre de catégories.

Il y en a une première très générale, c’est celle des expéditions partielles, ne remplissant pas un wagon. Toute marchandise qui ne pèse pas 5,000 kilogrammes est taxée de la même manière, quelle qu’en soit la nature: 1,000 kilogrammes de soieries ou de chocolat