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et de vous assurer des sentimens avec lesquels j’ai l’honneur d’être votre très humble et très obéissante servante

Boufflers d. de Lauzun.

Maman fait mille tendres complimens à Mme Necker ; nous sommes bien affligées l’une et l’autre d’être si longtemps éloignées d’elle et de vous.


La lettre suivante, qui est à peu près de la même date, fut adressée par la duchesse de Lauzun à Mme Necker pendant un séjour que celle-ci faisait sur les bords du lac de Genève.


16 août.

La crainte de vous importuner, madame, avait seule empêché Mme de Luxembourg et moi de vous prier de nous donner de vos nouvelles, mais notre tendre intérêt n’avait négligé aucune occasion d’en savoir, et nous avions apris avec bien de la peine que vous étiez mécontente de votre santé. Quoique votre lettre n’entre dans aucun détail à cet égard, elle nous donne cependant sujet d’espérer que vous vous trouvez un peu mieux, mais cette marque de votre souvenir dont nous sommes sensiblement touchées nous aurait été encore plus agréable si vous aviez bien voulu nous parler un peu plus de vous, et je vous assure, madame, que nous y avions quelque droit par notre admiration et les tendres sentimens que vous nous inspirés.

Il n’y a rien de si charmant que cette description du pays que vous habitez. J’ai un véritable plaisir de vous savoir dans un lieu si agréable. Ce plaisir cependant est mêlé de quelque inquiétude et d’un mouvement de personalité qui me fait craindre qu’à l’avenir, l’habitation de Paris ne vous paroisse insupportable et que nous n’ayons plus le bonheur de vous y voir quelques fois, mais cette pensée m’affligeroit trop et je ne veux pas l’admettre.

Je crois qu’il est bien difficile de ne pas avoir quelque souvenir de Julie en se trouvant dans les lieux dont Rousseau a fait de si charmantes peintures. Ce roman n’est cependant pas à beaucoup près celui que j’ai lu avec le plus de plaisir ; Clarisse et Cecilia m’en ont fait mille fois davantage. Un amour qu’on s’efforce de cacher est bien plus intéressant que celui qu’on peint d’une manière si vive ; il semble d’ailleurs qu’on croye plus à la sincérité de celui qu’on a pénétré, et que l’imagination aille plus loin que les expressions. Si j’étois en Suisse, je chercherois aussi à découvrir dans le canton de Berne l’habitation d’un M. Delaroche, un ministre dont j’ai lu dernièrement l’histoire dans the Mirror avec un plaisir inexprimable. Je ne sais si vous avez ce livre, madame, mais si vous eussiez été ici j’aurois pris la liberté de vous l’envoyer et