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Langlois[1] : Kalo-Koracésion, Korykos, Elaeusa-Sébasté, dont les ruines sont éparses sur le littoral et montrent à quel point de prospérité cette côte, aujourd’hui déserte, était arrivée avant la conquête des Seidjoukides. Là, comme dans tout le reste de l’Asie-Mineure, la violence des nouveaux arrivans a fait le vide. À Korykos, il ne reste debout que deux châteaux, l’un sur la terre ferme, l’autre sur un étroit îlot en face de la ville. Ce dernier est bien conservé ; ses murailles blanches et crénelées, ses tours effilées se profilent avec netteté sur l’azur intense de la mer. Une inscription arménienne, gravée au-dessus de la porte principale, rappelle qu’il a été construit par les Thakavors de Cilicie, en 1251, sous le règne d’Héthum Ier. Le reste de la ville est envahi par les hautes herbes, et par une végétation drue et touffue, qui a achevé de faire disparaître les constructions arméniennes ou byzantines ruinées par les Turcs. Çà et là des pans de rochers travaillés de main d’homme montrent encore des traces des anciennes demeures ; le roc est percé de cavités qui servaient de chambres intérieures, et les maisons s’adossaient à cette muraille naturelle, où s’engageaient les poutres des différens étages et de la toiture. Si la vie publique et active des Grecs byzantins de Korykos a laissé peu de traces, la nécropole est aussi riche en monumens que celle de Séleucie. Le long de la petite vallée qui part du littoral pour regagner les pentes du Taurus, les monumens funéraires s’échelonnent par groupes de quinze ou vingt réunis autour de petites chapelles ou d’églises. Tous ces sarcophages creusés dans le roc, parfois élégamment décorés de guirlandes et de bucrânes, reproduisent dans leurs dispositions générales la forme de petits édicules ; le couvercle figure un toit avec ses poutrelles, et les acrotères d’angles ; il semble qu’on retrouve là une préoccupation chère aux populations de l’ancienne Asie-Mineure, qui cherchaient à donner aux demeuras des morts quelques-uns des caractères propres aux habitations des vivans.

C’est à quelques heures de Korykos, dans la montagne, que tous les voyageurs ont placé l’antre corycien, célèbre par les légendes de la mythologie hellénique. Strabon, Pomponius Méla, en ont laissé de longues descriptions, où les détails précis se retrouvent à côté d’exagérations manifestes. D’après les géographes anciens, la grotte où la tradition plaçait le séjour de Typhon s’ouvre dans le flanc de la montagne qu’elle divise à partir du sommet. Toute tapissée de verdure, elle retentit du bruit des eaux ; au fond, les parois se resserrant forment un conduit qui aboutit à une cavité

  1. Rapport sur l’exploration archéologique de la Cilicie et de la Petite-Arménie pendant les années 1852-1853, par M. Victor Langlois. (Archives des missions scientifiques, 1854.)