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supérieure et impartiale de l’intérêt public. Voilà la politique efficace d’une république régulière et durable 1

Est-ce là ce qu’entendent ceux qui font sans cesse retentir ces mots de réformes républicaines, de politique républicaine ? Ce qu’ils entendent, ce qu’ils veulent, on le voit tous les jours, on le sait par les motions qu’ils prodiguent, par les discussions qu’ils provoquent dans les chambres, par les programmes qu’ils déploient, par les discours qu’ils vont faire sur les chemins ou dans les réunions. Quand ils parlent de réformes judiciaires, ils veulent dire bouleverser la magistrature, abolir la première garantie de l’indépendance du juge, et d’abord commencer par l’épuration implacable pour cause d’opinion. Quand ils parlent de réformes militaires, ils entendent introduire l’esprit de parti dans l’armée et faire jouer la Marseillaise par les musiques. Quand ils parlent de réformer l’enseignement, cela signifie chasser des frères et des sœurs des écoles, supprimer l’instruction religieuse, déclarer la guerre à de malheureux livres classiques, même à des livres de professeurs de l’université coupables, à ce qu’il paraît, de n’être pas assez laïques. Quand ils réclament des réformes économiques, ils ne tendent à rien moins qu’à la dépossession d’une des plus grandes industries pour faire de l’état le maître souverain des chemins de fer et surtout le grand dispensateur d’innombrables emplois. La politique républicaine pour eux, c’est l’omnipotence de la chambre élective, la destruction à courte échéance du sénat, la suppression du budget des cultes et un certain nombre d’autres choses semblables. La liberté républicaine, c’est le droit laissé aux défenseurs de la commune de remettre en honneur la guerre civile, de transformer l’armée de 1871 et le gouvernement de Versailles en meurtriers implacables, de décerner des couronnes civiques à Gustave Flourens, et le droit refusé à quelques religieux de vivre, de prier et d’enseigner en commun. Tout ce qui remue, agite, ébranle, offense les sentimens d’ordre et d’équité sociale ou les croyances religieuses, c’est la république telle qu’on la comprend, telle qu’on la présente ! Ce n’est point sans doute le gouvernement qui a de telles pensées ; ce n’est pas même non plus la majorité tout entière de la chambre qui est dans ces idées. On peut croire volontiers que majorité et ministère sont les premiers à désavouer les excès de ces manifestations qui se sont particulièrement succédé depuis quelques jours. Non, nous l’admettons bien, ce n’est pas le programme de la politique officielle qu’un député de Paris, M. Clemenceau, a exposé tout récemment dans une réunion bruyante où, si radical qu’il soit, il a trouvé plus radical que lui.

Assurément, et c’est fort heureux, il y a dans tout cela à faire la part du bruit, des infatuations, des déclamations, et ce n’est point à dire que ceux qui abusent si souvent du droit de déraisonner sur toute chose puissent aller jusqu’au bout de leurs desseins désorganisateurs.