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L’ALSACE-LORRAINE ET L’EMPIRE GERMANIQUE.

depuis 1871 sous le nom de conseil impérial. L’organisme est complété par le Landesausschuss, ou délégation provinciale, dont nous nous occuperons plus particulièrement tout à l’heure et qui constitue l’élément représentatif dans l’ensemble du système.

Tel est, dans ses traits essentiels, le nouveau régime dont l’AIsace-Lorraine vient d’être dotée. Il marque, si je compte bien, la sixième ou septième étape dans le provisoire que l’Allemagne a fait faire à cette province depuis le jour où un « ordre du cabinet, » daté du quartier général d’Herny, le 14 août 1870, et complété huit jours après par une lettre que le roi de Prusse adressait de Pont-à-Mousson à M. de Bismarck, constituait le gouvernement général d’Alsace et de Lorraine, dans les limites mêmes qu’a consacrées plus de six mois plus tard le premier article des préliminaires de paix[1].

Si l’on compare l’organisation nouvelle aux divers régimes sous lesquels l’Alsace-Lorraine a été successivement placée depuis dix ans, — dictature pure et simple sous un gouverneur général militaire assisté d’un commissaire civil ; dictature tempérée par l’institution d’un président supérieur délégué direct du chancelier de l’empire ; régime constitutionnel restreint par des lois d’exception ; admission du pays à envoyer des députés au Reichstag ; création d’un comité consultatif à Strasbourg et d’une section spéciale pour l’Alsace-Lorraine près la chancellerie impériale de Berlin, etc., — il faut reconnaître que le pas qui vient d’être fait a tout au moins le mérite d’avoir enfin donné au « pays d’empire » un ensemble d’institutions politiques et administratives suffisamment homogène pour que ceux qui s’en tiennent aux apparences y puissent voir tous les élémens d’un régime légal acceptable et même libéral dans une certaine mesure.

Toutefois on revient vite de cette bonne impression première lorsque, examinant la force relative des rouages et des régulateurs du mécanisme, on cherche à se rendre compte de son fonctionnement. Tout d’abord on reconnaît alors que ce n’est pas dans l’intérêt de l’Alsace-Lorraine qu’il a été imaginé, mais bien dans l’intérêt exclusif du gouvernement et de ses fonctionnaires. Comme toutes les réformes antérieures, celle qu’a opérée la loi du 4 juillet 1879 provient uniquement du désir de supprimer certains frottemens qui paralysaient l’énergie de l’action administrative. Il importait d’arriver à mettre fin au dualisme que les régimes précédens avaient laissé subsister et qui retenait en toutes choses l’administration centrale de Strasbourg sous la dépendance de la chancellerie de Berlin,

  1. On ne saurait trop rappeler ce fait, qui établit d’une manière irréfutable que, bien avant Sedan et la reddition de Strasbourg et de Metz, le gouvernement prussien avait déjà arrêté l’étendue des revendications territoriales auxquelles il était résolu, pour peu que le sort des armes lui permît de dicter ses conditions.