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P. LANFREY

II.[1]
SA CARRIÈRE DE POLÉMISTE ET D’HISTORIEN.

Œuvres complètes et Correspondance inédite.

Quand une femme se met à écrire un roman, c’est ordinairement celui de sa propre vie, et, tout naturellement, elle en est l’héroïne. Est-il bien sûr que pour les hommes il n’en soit pas ainsi ou à peu près ? Parmi les plus célèbres auteurs de mémoires combien en compterons-nous qui aient tout emprunté à leurs souvenirs et rien à leur imagination ! Se voir en beau, s’exalter plus ou moins sur soi-même, n’est-ce pas la pente commune ? Quel écrivain de talent s’est refusé, de nos jours, l’innocent plaisir de tracer de sa personne, sous une forme plus ou moins déguisée, un portrait idéal où domine la fantaisie ? Nul doute qu’en publiant les Lettres d’Éverard, Lanfrey n’ait cédé à une tentation de ce genre. Il est d’ailleurs juste de reconnaître qu’en créant de toutes pièces, pour son usage particulier, cet être purement imaginaire, l’auteur avait l’avantage de se procurer du même coup la possibilité de faire passer par les lèvres de son héros certaines libertés de langage et de jugement que, sorties de sa bouche, le gouvernement d’alors n’aurait certainement pas supportées. Grâce à cette transparente fiction, couvert

  1. Voyez la Revue du 1er septembre.