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délibération en date du 12 septembre 1870, de convoquer les collèges électoraux pour le 25 du même mois. En même temps, le Patriote savoisien insérait une série d’articles dans lesquels Lanfrey commentait avec chaleur la motion qu’il avait provoquée. Ecrites au fort de l’effervescence révolutionnaire, ces pages pleines de bon sens, aujourd’hui si complètement oubliées qu’à grand’peine j’ai pu me les procurer, attestent qu’après comme avant le triomphe de ses opinions républicaines, Lanfrey n’était disposé à montrer aucune faiblesse pour les jacobins, passés, présens et futurs. Il en résulte aussi que le vote par scrutin de liste, combinaison la plus propre à favoriser ses intérêts électoraux, était bien loin d’avoir ses préférences.


… Les élections doivent être faites dans un esprit sincèrement républicain… Nous savons quels préjugés ce mot de république soulève, mais nous savons aussi quelle force il porte en lui-même. Osons le dire, le sort de la république est entre ses mains. Elle est dès aujourd’hui oublée si elle sait renoncer résolument à être cet épouvantail dont on évoque devant nous le souvenir… Elle est fondée, si elle sait rassurer comme autrefois elle a su effrayer, si elle sait être plus juste, plus généreuse, plus largement compréhensive que les régimes bâtards qui lui sont opposés.


… Il faut avoir la loyauté d’en convenir, ce mode de votation (par scrutin de liste) donne lieu à de sérieuses objections. Il a été conçu dans le but certainement louable de faire prévaloir la notoriété générale sur la notoriété locale. Mais cet avantage perd beaucoup de son prix s’il faut l’acheter au prix de la sincérité du vote. Au sein de la commune, où tous les citoyens apprennent de bonne heure à se faire connaître, à se juger les uns les autres, le scrutin de liste a peu d’inconvéniens. Au sein du département, la majorité des électeurs est étrangère aux hommes qui sollicitent ses suffrages. Elle en connaît quelques-uns de réputation, mais pour la plus grand nombre d’entre eux, elle est obligée de s’en rapporter aveuglément à la recommandation d’un comité. C’est donc un vote de confiance qu’ils réclament d’elle ; or, le vote de confiance « st essentiellement antirépublicain.


Lorsque les élections, d’abord fixées au 2, puis remises au 16 octobre, furent définitivement ajournées, une profonde scission éclata entre les républicains de Chambéry. Les plus avancés, d’accord avec le préfet nommé par le nouveau gouvernement et la plupart des autorités de la ville de Chambéry, prirent ardemment parti pour la délégation de Tours, tandis que, moins nombreux et, à coup sûr,