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guérit que 28. Sans doute on pourrait objecter que nous étions loin de la France, en pays ennemi, sans ressources à tirer de la contrée et par un hiver rigoureux ; mais que peut-on dire de pareil pour la campagne d’Italie ? Là, dans un pays ami, au milieu des ressources de toute espèce, pendant l’été et sous un des plus beaux ciels de l’Europe, à six heures de nos frontières, dans une campagne où nous fûmes toujours victorieux et qui ne dura que deux mois, entourés de villes et de villages où nous pouvions abriter nos blessés, nous perdîmes 63 pour 100 de nos opérés, 9 pour 100 seulement de moins qu’en Crimée, où tout était conjuré contre nous : climat, privations, fatigues d’une longue campagne, choléra, typhus, pourriture d’hôpital. Nous perdîmes en Italie 63 de nos opérés sur 100, quand les Anglais, sur ce champ de mort de la Crimée, n’en perdirent que 33 pour 100 ; quand les Américains, dans leur lutte gigantesque à travers un territoire dévasté par la guerre, au milieu de toutes les difficultés, n’en perdirent que 40 sur 100. Non, un pareil état de choses ne peut durer !

Au mois d’août 1878, pendant l’exposition, un congrès international sur le service médical des années en campagne se réunit à Paris. Les gouvernemens étrangers y envoyèrent des délégués officiels choisis parmi les illustrations de la chirurgie militaire. Parmi eux se trouvaient le Dr Longmore, chirurgien-général de l’armée anglaise, le Dr Rosloff, médecin en chef et inspecteur-général de l’administration médicale de l’armée russe, le Dr Roth, médecin général de l’armée allemande, le Dr de Losada, médecin inspecteur de l’armée espagnole, le Dr Cunha Bellem, député et médecin principal de l’armée portugaise, le Dr Neudorfer, un des médecins les plus éminens de l’armée autrichienne, le Dr Kolff et le Dr Van Diest, médecins principaux l’un de l’armée hollandaise, l’autre de l’armée belge, etc. Les médecins inspecteurs Legouest, délégué par le ministre, baron Larrey, Gueury, Brault et quelques-uns de, nos médecins principaux représentaient la médecine militaire française. Notre situation, à nous médecins français, fut des plus pénibles, car, tandis que nos collègues étrangers : allemands, russes, autrichiens, anglais, pouvaient nous montrer par leur propre expérience dans les guerres récentes combien de progrès avaient été réalisés, nous ne pouvions que baisser la tête et décliner la responsabilité de l’infériorité de notre organisation. On discutait le rôle des compagnies de santé pendant le combat, nous n’en avons pas ; le fonctionnement des hôpitaux mobiles, nous n’en avons pas ; l’utilisation des trains sanitaires, nous n’en avons pas ; l’organisation des services sur les champs de bataille, elle ne nous appartient pas.

Toujours, quand nous parlions de la France, la même conclusion