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Une pareille démarche ne pouvait que toucher celui qui en était l’objet. Il y répondit en expliquant en détail à M. Cérésole se qui s’était passé à Paris au sujet de sa démission.


… J’ai le plus grand désir de retourner à Berne, où j’ai laissé tant d’excellens amis et de si bienveillantes relations, mais je ne le ferai qu’à une seule condition, c’est que j’y puisse retourner honorablement.

… Si par leurs concessions les chefs du gouvernement parviennent à regagner l’appui du centre gauche, je reprends mes fonctions ; sinon, non. Je n’ai pas retiré ma démission et je ne me dissimule pas qu’on peut, d’une heure à l’autre, me donner un remplaçant. Je dois dire toutefois que le duc de Broglie, dans le seul entretien que, j’ai eu avec lui, le lendemain de la chute de M. Thiers, m’a répété avec insistance qu’il laisserait le poste vacant jusqu’à ce que j’aie pu me faire sur ses actes une opinion motivée. Voilà, mon cher ami, la détermination à laquelle je me suis arrêté. J’espère que vous ne la désapprouverez pas.

Ce rapprochement entre les deux centres se réalisera-t-il ? Je crois qu’il nous épargnerait bien des déchiremens. Thiers a pu le faire et ne l’a pas voulu. Par un entêtement de vieillard ou d’enfant, il a perdu la plus magnifique partie. Je doute qu’il retrouve jamais l’occasion perdue. Il est à un âge où la fortune ne pardonne plus. Au revoir, mon cher président. Veuillez, je vous prie, dire à MM. vos collègues combien, je leur suis reconnaissant de l’intérêt qu’ils ont bien voulu prendre à ma position.


Jusqu’en novembre 1873, Lanfrey continua à gérer l’ambassade de France à Berne. Désireux devoir. se déplacer l’axe de la majorité, il aurait souhaité que le gouvernement prit exclusivement son point d’appui sur l’union des deux centres. Sa répugnance contre ceux qu’il appelle les gambettistes reste d’ailleurs toujours la même.


… Je n’ai nullement cessé de croire qu’il n’y a de salut possible, je ne dis pas pour la république, qui est fort secondaire à mes yeux, mais pour la France, qui est tout, que dans la formation d’un parti républicain conservateur et libéral, seul capable suivant moi de maintenir dans notre pays un gouvernement régulier contre les factions de droite et de gauche. Je crois aussi que nous devons tous travailler sans relâche à l’œuvre de la conciliation qui doit amener les conservateurs à accepter le régime actuel qu’eux seuls peuvent consolider…


… Je n’ai pas changé à l’endroit du gambettisme. Ses paroles mielleuses ne m’ont pas fiait oublier ses actes, et à mes yeux l’avènement de cette séquelle est toujours le pire malheur qui puisse arriver à notre