Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 42.djvu/326

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

religieux aux princes allemands réformés, à Genève et aux huguenots français. C’est en Suisse que s’était nouée la conjuration de La Renaudie, qui aboutit au massacre d’Amboise. Toutefois l’influence catholique était encore dominante, d’autant plus que les deux grands cantons protestans, Zurich et Berne, étaient divisés d’intérêts, et que la lutte entre la confession d’Augsbourg et la confession de Genève affaiblissait beaucoup le parti protestant. La France travaillait sans cesse à apaiser les querelles intestines des Suisses, parce qu’elle voulait, autant que possible, user à son bénéfice de leurs forces militaires et les empêcher de s’épuiser en luttes sans profit pour elle-même.

Au commencement de l’année 1562, le prince de Condé demanda des levées aux confédérés. Il parlait à ce moment au nom de la reine mère, qui s’appuyait sur lui depuis que le roi de Navarre était devenu l’instrument de la faction des Guises. Les cantons hésitèrent, soulevèrent des difficultés à propos de paiemens qui étaient en retard (ces paiemens, au terme des conventions, devaient se faire à Lyon). Condé dut coup sur coup envoyer deux ambassadeurs extraordinaires pour appuyer l’ambassadeur de France, Coignet, suspect de pencher vers les idées nouvelles. Chacun se préparait à la guerre civile en France, et bientôt le massacre de Vassy la fit éclater. On sait comment le roi et sa mère furent enlevés par les triumvirs à Fontainebleau et conduits à Paris, comment Condé s’empara d’Orléans et commença la guerre. Coignet, après avoir d’abord hâté le départ des enseignes suisses, avait ensuite cherché à le retarder, après que Condé eut quitté le parti de la cour ; Condé et Coligny écrivirent aux cantons que l’argent qu’on leur avait promis ne partirait point de Lyon. Les cantons demandèrent le rappel de Coignet ; ils avaient déjà réuni quinze enseignes, qui partirent pour la France le 22 juin. En allant se ranger sous les drapeaux du roi de France, en dépit des obstacles opposés par l’ambassadeur, malgré les retards de la solde, les cantons catholiques obéissaient à leurs passions religieuses ; aussi les cantons protestans n’unirent-ils point leurs enseignes à celles de leurs confédérés ; la ville de. Lyon s’était insurgée et avait demandé des secours au Valais et à Berne ; et l’on vit alors en Suisse un spectacle tout nouveau : des enrôlemens faits au nom des deux partis qui se disputaient le gouvernement de la France. Pendant que le régiment catholique, commandé par Fröhlich, prenait le chemin de la Bourgogne, les enseignes bernoises et valaisanes partaient pour Lyon sous le commandement de Diesbach.

Les Suisses ne devaient se rencontrer sur aucun champ de bataille, car la campagne de Diesbach s’acheva en Bourgogne et ne