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cents hommes) et vingt-deux pièces de canon ; dès qu’il eut compris les intentions de Condé, il se porta vivement dans la direction de Dreux. Le soir même où Condé mettait son camp sur la rive gauche de l’Eure, l’armée royale occupait les villages de la rive opposée.

Le duc d’Aumale a donné un récit très complet et très émouvant de la bataille de Dreux : les documens ne manquent pas sur cette terrible journée, la plus sanglante, la plus acharnée de nos guerres civiles. Les acteurs qu’elle mettait en présence sont d’une telle importance dans l’histoire de France que rien de ce qui les concerne ne saurait nous rester indifférent. Le duc de Guise, resté à la tête de l’armée royale à la fin de la lutte, dicta son « Discours de la bataille de Dreux ; » Coligny fit, de son côté, un « Brief Discours de ce qui est advenu en la bataille donnée près la ville de Dreux le samedy 19 de ce mois de décembre 1562. » On a le récit de Théodore de Bèze et de beaucoup d’autres ; mais, après tant de témoignages intéressés et passionnés, l’historien doit lire encore les rapports de Louis Pfyffer et des capitaines suisses qui survécurent au combat. Ces rapports furent écrits trois jours seulement après la bataille.

Pendant la nuit du 18 au 19 décembre, toute l’armée royale passa l’Eure en grand silence sur deux ponts, gravit les pentes crayeuses de la vallée et s’établit sur le grand plateau qui est au sud de Dreux ; à onze heures du matin, elle était en ordre de bataille. Les protestans avaient une très forte cavalerie, environ 5,000 chevaux, et 8,000 hommes de pied, tant Allemands que Français, en tout 13,000 hommes ; le connétable n’avait que 2,500 cavaliers, mais son armée, avec l’infanterie, s’élevait à 18,000 hommes. Des deux parts, les étrangers étaient en majorité ; car l’armée royale avait, outre la grosse phalange suisse de 6,000 hommes, 4,000 lansquenets allemands et 2,000 Espagnols (lettre du capitaine Juan de Ayala, écrite du camp de Dreux, le 22 décembre 1562). D’Andelot avait amené à Condé de 4,000 à 5,000 lansquenets et 2,500 reîtres, conduits par le maréchal de Rolthausen. Comme troupes françaises, il n’y avait du côté des catholiques que 36 compagnies d’ordonnance de grosse cavalerie de 50 lances, 22 enseignes d’hommes de pied gascons et 17 enseignes d’infanterie bretonne et picarde ; du côté des huguenots, 800 cavaliers, 6 enseignes d’arquebusiers et 14 enseignes d’hommes de pied.

À cette époque, l’ordre de marche et l’ordre de bataille des armées était en quelque sorte le même ; on ne distinguait que l’avant-garde et la « bataille » ; au moment du combat, l’avant-garde formait l’aile droite, la « bataille, » ce que l’on nommerait