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au gouvernement de négocier des traités. Le cabinet s’est refusé à prendre un tel engagement, ce qui eût été, tant pour lui que pour ses successeurs, l’abandon d’une prérogative essentielle ; mais, réservant son droit, il s’est montré d’autant plus conciliant sur le terrain parlementaire que ces concessions devaient lui rendre plus facile le terrain diplomatique. En effet, les droits élevés se prêteront plus aisément à l’échange des réductions internationales. Par le même motif, un grand nombre de députés ont voté des taxes qu’ils jugeaient excessives, convaincus que ces exagérations ne tarderont pas à disparaître au moyen des traités. Cela explique, excuse même les anomalies que présente la rédaction de plusieurs articles du nouveau projet de tarif, notamment en ce qui concerne les produits fabriqués. Les traités de commerce, cauchemar des uns, espoir des autres, ont pesé sur toute la discussion.

C’est à la combinaison des traités de commerce que nous devons les premières réformes sérieuses dans notre législation commerciale ; c’est par le même procédé que nous conserverons les progrès obtenus et que nous verrons se développer nos relations au dehors. La France compte parmi les pays qui, grâce à la supériorité du travail, exportent la plus grande quantité de produits ; elle est donc plus intéressée qu’aucun autre à ne point rencontrer aux frontières des autres nations des droits prohibitifs, et il lui importe d’être garantie contre les changemens que ces nations pourraient être tentées d’apporter à leur législation. Les conventions fournissent l’unique moyen de parer à ce péril. On ne doit pas oublier que les anciens traités ont été dénoncés ; ils ne demeureront en vigueur que pendant six mois après la promulgation de notre tarif ; à cette date, ils cesseront d’avoir leur effet, ou ils seront remplacés par des conventions nouvelles. Or, il ne faut point se dissimuler que les négociations seront plus difficiles qu’elles ne l’ont été dans le passé, soit parce que les manufactures étrangères veulent, à l’exemple de notre industrie, être protégées par le tarif, soit parce que les gouvernemens obérés voudraient augmenter le chiffre des recettes qu’ils tirent de l’impôt des douanes. Notre diplomatie n’obtiendra le maintien du régime existant ou la faveur de concessions nouvelles qu’en offrant des avantages équivalens, c’est-à-dire la réduction des droits inscrits dans le tarif général. Pour les partisans de la liberté du commerce, cette nécessité n’est point à déplorer ; les protectionnistes auront à la subir, assurés toutefois que les concessions ainsi faites seront soumises, selon la constitution, à l’approbation législative. Le parlement, en appréciant les nouvelles conventions, se laissera d’autant plus facilement amener à consacrer des réductions que celles-ci seront le prix d’avantages réciproques,