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Nation. A côté des députés mis en cause, il y a le secrétaire de la land-league, des fermiers, des marchands, des cabaretiers. Ils sont tous accusés de conspiration, d’excitation à la haine des fermiers contre les propriétaires, de menées de toute sorte pour empêcher le paiement des redevances, pour s’opposer à la location des fermes d’où les anciens tenanciers ont été expulsés. Ils seront jugés sans doute, jugés quand on aura épuisé toutes les subtilités de la procédure ; ils seront peut-être acquittés, et même, s’ils sont condamnés, il n’en sera ni plus ni moins. L’agitation, en attendant, est partout entretenue par l’éloquence enflammée de M. Parnell et des autres chefs irlandais. C’est sur cette situation douloureuse, criante, que M. Gladstone s’est expliqué sans détour au banquet de lord-maire, témoignant de nouveau ses sympathies pour l’Irlande, mais en même temps s’efforçant de calmer par l’énergie de ses déclarations les inquiétudes qui règnent en Angleterre. Il ne renonce pas à proposer des réformes agraires au parlement, mais, avant tout, il s’agit de faire respecter la loi, d’assurer la protection de la vie et de la propriété des citoyens. Il n’a pas cru nécessaire jusqu’ici le renouvellement des bills de coercition pour l’Irlande ; mais, s’il le faut, il n’hésitera pas à demander de nouveaux pouvoirs, c’est-à-dire que, là aussi, il tend à se rapprocher de la politique de ses prédécesseurs. M. Gladstone a certes raison de le dire, l’Irlande, en croyant punir l’Angleterre de son ancienne oppression, se punit elle-même. L’Irlande quand elle plaide sa cause devant le monde, a toujours vis-à-vis de sa grande sœur le désavantage de ses misères, de l’infériorité de sa civilisation. Elle n’est pas moins malheureuse, et quelques explications qu’on en donne, la crise qui existe aujourd’hui n’est pas moins dangereuse ; elle est d’autant plus grave que tout ce qu’on fera pour réformer la condition de la propriété en Irlande peut avoir son contrecoup en Angleterre. C’est ce qui crée des difficultés singulières pour M. Gladstone, exposé à donner des armes à ses adversaires, aux conservateurs, s’il fait des propositions trop radicales, ou à s’aliéner nombre des libéraux, même quelques-uns de ses collègues dans le cabinet, s’il ne fait rien. Tout se prépare évidemment pour des luttes sérieuses à la prochaine session du parlement.

Au-delà de l’Atlantique, les États-Unis, eux aussi, ont aujourd’hui leur crise, mais une crise prévue, en quelque sorte régulière et toujours pacifique malgré le déchaînement des passions et l’acharnement des partis à se disputer une victoire incertaine jusqu’au bout. Depuis plus de six mois la campagne présidentielle se déroule dans tous les états de l’Union ; elle vient d’avoir son dénoûment par l’élection du général Garfield, choisi pour succéder à M. Hayes, qui cessera de siéger à la Maison-Blanche au mois de mars prochain. Chose curieuse ! cette présidence qui va finir avait certainement assez mal commencé. Jusqu’à