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qu’il s’agît enfin du rappel des troupes françaises campées depuis six ans en Italie. On restait, — c’était le mot de M. Cousin devant la chambre des pairs, — « sous le poids de la terrible coïncidence de l’abandon de la Belgique, de l’abandon d’Ancône, de l’abandon de l’Espagne. » On en était là en 1838.

Ce qu’il y avait de plus grave, ce qui compliquait tout, c’est que, dans sa politique extérieure comme dans sa politique intérieure, le ministère du 15 avril ressemblait à un pouvoir de cour, à une manifestation officielle de ce qui s’appelait dès lors, de ce qui s’est appelé si souvent depuis, le « gouvernement personnel. » Le roi Louis-Philippe était trop habile pour avouer le dessein prémédité d’exclure des hommes qu’il avait eus dans ses conseils, qu’il pouvait être obligé de rappeler. Il n’était pas fâché de se sentir délivré de ministres qui l’effaçaient, qui avaient leur volonté, comme Casimir Perier d’abord, et après lui le duc de Broglie, ou M. Guizot, ou M. Thiers. Il trouvait en M. Molé un président du conseil agréable qui avait assurément sa dignité et sa fierté, mais qui avait été accoutumé par son éducation à recevoir l’inspiration du prince, à laisser se déployer l’autorité souveraine. Le roi ne déguisait pas ses préférences pour des ministres moins brillans peut-être que ceux des premières années, honorables cependant, qui apparaissaient comme les agens directs et obéissans de sa pensée, avec qui il pouvait dire : « C’est mon système, c’est mon acte ! » C’était son penchant, son orgueil de se mêler à tout, de parler beaucoup parce qu’il avait beaucoup d’esprit, de se jouer des fictions, de montrer que rien ne se faisait dans le gouvernement, dans la diplomatie qui ne fût son œuvre, et si on le pressait un peu, il ne craignait pas de définir à sa manière le rôle constitutionnel du roi : « Diriger les ministres tant qu’ils veulent bien suivre ses indications, sauf à les congédier quand ils résistent. » Il en résultait une situation où toutes les responsabilités se trouvaient déplacées et confondues, où le ministère se débattait dans le vide et les contradictions. En recevant toute sa force de la royauté, il ne la couvrait plus et il laissait s’introduire un trouble périlleux dans le jeu des institutions. En essayant tour à tour de toutes les politiques, il en affaiblissait le caractère et l’autorité. En laissant hors du pouvoir les hommes les plus considérables du parlement, il ne voyait pas qu’il s’exposait à subir alternativement la protection des uns ou des autres, ou à les pousser bientôt les uns et les autres dans un même camp d’hostilité. La coalition est là déjà tout entière, comme le fruit d’une politique qui, après avoir essayé de dissoudre, de confondre les partis et d’annuler leurs chefs, finissait par réunir dans une opposition redoutable et M. Thiers, le vaincu du 22 février, et M. Guizot, le vaincu du 6 septembre, et