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662 REVUE DES DEUX MONDES. rendre en Algérie pour l’étudier. Le lecteur connaît le rapport dans lequel il résuma ses travaux[1]. Ce document, à défaut de données nouvelles sur les régions à parcourir et à atteindre, eut le très grand mérite d’être fort remarqué. Il présentait la question avec une netteté scientifique qui la faisait sortir du domaine des rêveries, où elle était restée jusqu’alors. « Saisi par le rapport de M. Duponchel, dit dans un rapport au président de la république M. de Freycinet, alors ministre des travaux publics, je n’ai pas cru devoir rester inactif. » Une commission provisoire, nommée pour étudier la valeur des idées qu’il renfermait, conclut de la façon la plus favorable, et un décret du 14 juillet 1879 institua définitivement une grande commission « pour l’étude des questions relatives à la mise en communication par voie ferrée de l’Algérie et du Sénégal avec l’intérieur du Soudan. »

M. Duponchel ne s’était occupé que des moyens de pénétrer au Soudan par l’Algérie. C’est un membre de la commission provisoire, M. Legros, inspecteur-général des travaux maritimes au ministère de la marine, qui avait appelé l’attention sur le Sénégal. Il y a vingt ans déjà que le plus illustre des gouverneurs de cette colonie, le général Faidherbe, avait songé à la relier au Niger par une route que protégerait une série de postes fortifiés. Reprenant ce projet avec la hardiesse qu’inspire la puissance de l’industrie moderne, M. Legros, au lieu d’une route, proposait un chemin de fer. A l’origine, cette ligne du Sénégal n’était qu’accessoire : un concours de circonstances heureuses lui a fait prendre le pas sur celle du Transsaharien. Elle est plus courte de moitié ; en effet, Alger est à 2,600 kilomètres du Niger en ligne droite, tandis que Dakar n’en est qu’à un peu plus de 1,300 kilomètres en suivant les sinuosités du tracé projeté ; le pays qu’elle traverse est plus accessible, il est mieux connu, il est beaucoup plus peuplé, il est infiniment plus fertile, les dépenses peuvent être calculées avec précision ; l’amiral Jauréguiberry, en ayant apprécié sur place l’importance, alors qu’il était gouverneur du Sénégal, s’y est vivement intéressé ; il a été secondé avec ardeur par le directeur des colonies, M. Michaux, et par M. Legros ; enfin il s’est trouvé que le gouverneur du Sénégal est un homme remarquable, énergique, d’une activité qui demande à être contenue plutôt qu’excitée, d’un esprit entreprenant et fécond en ressources, organisateur habile au choix des hommes et au mouvement des affaires. Il est résulté de tout cela que l’intérêt s’est déplacé. Tandis que la ligne du Transsaharien en est toujours à la période des premières études, celle du Sénégal au Niger est à la veille d’entrer, elle est entrée même dans la période d’exécution.

  1. Voyez la Revue du 1er mai 1879.