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route ne cachât quelque autre entreprise contre son pouvoir et qu’on essayât de nouveau de le déposséder. M. Brière de l’Isle lui dépêcha le cadi de Saint-Louis, le vieux noir Ouoloff Bou-el-Moghdad, qui sert depuis tant d’années la France avec un dévoûment et une intelligence qui font honneur à sa race. Bou-el-Moghdad partit en pleine saison des pluies et remplit sa mission diplomatique aussi rapidement qu’heureusement. Il apaisa les craintes du damel, ainsi qu’on appelle le souverain du Cayor ; il lui démontra les avantages que son pays retirerait de la construction de la voie et il triompha des derniers scrupules que la religion ou plutôt la superstition inspirait à Lat-Dior, en lui affirmant que, dans ses voyages, il avait vu des chemins de fer en pays musulman et que les pèlerins de la Mecque ne se faisaient point scrupule de s’en servir.

Le 10 septembre 1879, notre envoyé signa avec le Cayor à Keur-Amadou Yalla, un traité dont voici les principaux articles :


Article premier. — Le Cayor tel qu’il existe en ce jour, d’après le traité du 12 janvier 1871, étant la propriété du damel, est garanti par les Français à la famille régnante des Guedj.

C’est-à-dire : si des étrangers venaient à attaquer ce pays, le gouverneur du Sénégal enverrait son armée, comme en 1875, prêter main-forte à l’armée du damel pour chasser ces étrangers du Cayor et les punir. Aucune indemnité quelconque ne serait demandée au Cayor pour le service ainsi rendu.

Art. 2. — En échange des avantages stipulés dans l’article premier ci-dessus, le damel s’engage de son côté à accorder aux Français la jouissance d’une route commerciale qui, venant du poste français de Thiès, passera par Terraouane, Kelle, Louga et Sakal, appartenant au Cayor, pour arriver au canton français de M Pal.

Art. 3. — Il ne sera jamais placé de poste de soldats français ni de soldats du Cayor sur cette route.

Si des troubles nécessitaient la présence de quelques détachemens provisoires sur la route ou à côté, la question se réglera d’un commun accord entre les deux parties contractantes.

Art. 4. — Tous les frais de construction de la route seront supportés par les Français. Le damel donne gratuitement le terrain nécessaire pour la route et pour tous les établissemens qui en dépendent.

Art. 5. — Cette concession n’est faite qu’à la condition que les Français arrangeront le chemin pour faciliter le commerce, le transport rapide des marchandises, des produits du sol et des voyageurs au moyen des grandes voitures traînées par des machines à vapeur (locomotives). Le travail devra être terminé la troisième année après qu’il aura été commencé.

Art. 6. — Le damel, avec une suite de vingt personnes au plus, aura