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à la suite de cette alliance qu’une expédition fut jugée nécessaire. Le 22 septembre 1878, une colonne détruisit Sabouciré, le tata du chef, qui périt dans la lutte. Elle était commandée en premier par le colonel Reymond et en second par le colonel Bourdiaux, officier d’artillerie de grand mérite, qui dirige aujourd’hui au ministère de la marine le bureau spécial qu’il a fallu créer pour les affaires du Haut-Sénégal. Ahmadou, professant le respect du fait accompli, renia son allié quand nous l’eûmes abattu et resta notre ami.

Le jour où nous serions obligés de nous prononcer en faveur de l’un des deux partis qui se disputent le Soudan occidental, notre intérêt serait de nous tourner vers les païens. Ils sont beaucoup moins rebelles à nos idées que les musulmans. Les Bambarras peuplent les rangs de nos tirailleurs sénégalais, leurs villages sont remarquables par la beauté des cultures. Les Malinkés sont également cultivateurs et, de plus grands commerçans ; ils sont économes jusqu’à l’avarice, âpres au gain, entassant les richesses. L’islamisme semble au contraire éloigner les nègres du travail, la vie d’un musulman noir s’écoule entre la lecture du Coran et la surveillance de ses captifs. Enfin, argument décisif, cette religion les rend absolument réfractaires à notre influence. Mais aussi longtemps que nous pourrons les avoir tous pour amis, ce serait folie que de nous brouiller avec les uns ou les autres. Assez d’obstacles entravent une entreprise aussi neuve que celle de la construction d’un chemin de fer dans l’Afrique tropicale sans y ajouter de gaîté de cœur des difficultés avec les populations. Il fallait donc un homme habile pour la reconnaissance du territoire dans lequel on allait s’engager. Le gouverneur choisit le capitaine d’infanterie de marine, Gallieni. C’est vraiment un plaisir de voir la quantité de collaborateurs distingués que M. Brière de l’Isle a pu trouver dans le petit nombre d’officiers qui l’entourent. Et rien n’est plus facile à concevoir que le sentiment qui lui inspirait ce passage d’une lettre qu’il adressait à un de ses amis : « Certes, oui, M. G… a eu raison de vous dire que nous sommes tous ici dans les meilleures dispositions. Je me sens rajeunir et j’oublie les fatigues d’une trop lourde besogne, lorsque je vois autour de moi, de la part des officiers de toutes armes, cette intelligence des explorations et cet esprit d’abnégation et de patriotisme qui ne s’acquièrent assurément que par une éducation particulière et une pratique spéciale de la vie. »

Les instructions de M. Gallieni lui ordonnaient de pacifier le Logo et le Natiaga, dont les habitans s’étaient réfugiés sur la rive droite du fleuve et de nouer des relations avec les divers chefs malinkés établis entre le Bafing et le Bakhoy, sur lesquels nous n’avions encore que des données très vagues, de manière à nous