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avait exposé les résultats obtenus par elle dans la maison de santé qui porte aujourd’hui son nom. Cette lettre, qui a été publiée pour la première fois il y a peu de temps dans la nouvelle édition de Diderot, donnera l’idée du diapason de son admiration :


Madame,

Je ne sais si c’est à vous ou à M. Thomas que je dois la nouvelle édition de l’Hospice ; mais pour ne manquer ni à l’un ni à l’autre, permettez que je vous en remercie tous les deux. J’ai désiré l’Hospice afin de le joindre au Compte-rendu et de renfermer dans un même volume les deux ouvrages les plus intéressans que j’aie jamais lus et que je puisse jamais lire. J’ai vu dans l’un la justice, la vérité, le courage, la dignité, la raison, le génie, employer toutes leurs forces pour refréner la tyrannie des hommes puissans ; et dans l’autre la bienfaisance et la pitié tendre leurs mains secourables à la partie de l’espèce humaine la plus à plaindre, les malades indigens. Le Compte-rendu, apprend aux souverains à se préparer un règne glorieux, et à leurs ministres à justifier aux peuples leur gestion. L’Hospice enseigne leurs devoirs à tous les fondateurs et directeurs d’hôpitaux ; grandes leçons qui resteront longtemps infructueuses ; mais ceux qui les ont données marcheront sur la terre au milieu de l’admiration et des éloges de leurs contemporains, et n’en mériteront pas moins, de leur vivant ou après leur mort, un monument commun où l’on nous montrerait, l’un instruisant les maîtres du monde et l’autre relevant le pauvre abattu. Voilà, madame, ce que je pense, avec tous les citoyens honnêtes, de ces deux productions. S’il arrivoit toutefois qu’on vous dît que je suis resté muet devant quelques malheureux personnages, en qui le sentiment de l’honneur fût étouffé ou ne poignît jamais et qui auroient eu l’imprudence de les attaquer, croyez-le. L’indignation et le mépris, lorsqu’ils sont profonds, se manifestent, mais ils ne parlent pas ; et je suis persuadé qu’il est des circonstances où ce n’est pas honorer dignement la vertu que d’en prendre la défense.

Diderot.


Grimm était encore en Russie lorsqu’il apprit l’arrivée de M. Necker aux affaires. Ce fut l’impératrice qui lui communiqua cette nouvelle ; aussi, tout en adressant ses félicitations à Mme Necker, Grimm ne perd pas l’occasion d’étaler à ses yeux l’intimité si flatteuse où il vit avec la grande Catherine :


L’impératrice vient, madame, de m’apprendre le choix que le roi a fait de M. Necker pour l’administration d’une des branches les plus