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désintéressement que M. Dupanloup ; le mot de la Bible qu’il citait le plus souvent, et qu’il aimait doublement parce qu’il était biblique et qu’il finissait par hasard comme un vers latin, était : Da mihi animas, cetera tolle tibi. Un plan général de grande propagande par l’éducation classique et religieuse s’était dès lors emparé de son esprit, et il allait s’y vouer avec l’ardeur passionnée qu’il portait dans toutes les œuvres dont il s’occupait.

Le séminaire Saint-Nicolas-du-Chardonnet, situé à côté de l’église de ce nom, entre la rue Saint-Victor et la rue de Pontoise, était devenu depuis la révolution le petit séminaire du diocèse de Paris. Telle n’avait pas été sa destination primitive. Dans le grand mouvement de réforme ecclésiastique qui marqua en France la première moitié du XVIIe siècle et auquel se rattachent les noms de Vincent de Paul, d’Olier, de Bérulle, du père Eudes, l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet joua un rôle analogue à celui de Saint-Sulpice, quoique moins considérable. Cette paroisse, qui tirait son nom du champ de chardons bien connu des étudians de l’Université de Paris au moyen âge, était alors le centre d’un quartier riche, habité surtout par la magistrature. Comme Olier, en réunissant les prêtres de sa paroisse, fonda le séminaire Saint-Sulpice, Adrien de Bourdoise, en réunissant les prêtres de Saint-Nicolas, fonda la compagnie des prêtres Saint-Nicolas-du-Chardonnet, et fit de la maison ainsi constituée une pépinière de jeunes ecclésiastiques qui a existé jusqu’à la révolution. Mais la compagnie de Saint-Nicolas-du-Chardonnet ne fut pas, comme la société de Sajnt-Sulpice, mère d’établissemens du même genre dans le reste de la France. En outre, la société des nicolaïtes ne ressuscita pas après la révolution, comme celle des sulpiciens ; le bâtiment de la rue Saint-Victor demeura sans objet ; lors du concordat, on le donna au diocèse de Paris pour servir de petit séminaire. Jusqu’en 1837, cet établissement n’eut aucun éclat. La renaissance brillante du cléricalisme lettré et mondain se fait entre 1830 et 1840. Saint-Nicolas fut, durant le premier, tiers du siècle, un obscur établissement religieux ; les études y étaient faibles ; le nombre des élèves restait tout à fait au-dessous des besoins du diocèse. Un prêtre assez remarquable le dirigea pourtant, ce fut M. l’abbé Frère, théologien profond, très versé dans la mystique chrétienne. Mais c’était l’homme le moins fait pour éveiller et stimuler des enfans faisant leurs études littéraires. Saint-Nicolas fut sous sa direction une maison tout ecclésiastique, peu nombreuse, n’ayant en vue que la cléricature, un séminaire par anticipation, ouvert aux seuls sujets qui se destinaient à l’état ecclésiastique, et où le côté profane des études était tout à fait négligé.

M. de Quélen eut une visée de génie en confiant la direction de