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question que les physiologistes durent se poser à propos du protoxyde d’azote était de savoir si ce gaz pur était respirable et pouvait être offert impunément aux poumons. L’expérimentation pouvait seule renseigner à cet égard, car la théorie permet l’alternative. Le protoxyde d’azote contient en effet de l’oxygène comme l’air atmosphérique ; il en contient même davantage, — le tiers de son poids, tandis que l’atmosphère n’en contient que le cinquième ; — mieux que celui-ci, il entretient les combustions. On était en droit de se demander si cette combinaison pouvait être utilisée par l’organisme comme l’est le mélange atmosphérique ; et dans le cas où le sang n’en pourrait extraire l’oxygène, si les tissus eux-mêmes sauraient tirer parti de cet oxygène engagé avec l’azote, comme ils font de l’oxygène engagé avec les globules que le sang leur présente à chaque moment.

L’expérience a répondu négativement. Le protoxyde d’azote est sans usage pour les tissus animaux ou végétaux. Quoi qu’en aient dit des chirurgiens comme Demarquay et des physiologistes comme Longet, le sang ne l’utilise pas mieux que les tissus eux-mêmes. Les globules du sang, convoyeurs habituels des gaz, ne s’en chargent point : ils le laissent dans le liquide des canaux sanguins, où ils baignent eux-mêmes. Dans ce liquide, plasma sanguin, le protoxyde d’azote peut se dissoudre, comme l’air se dissout dans l’eau, en suivant les lois physiques de Dalton.

Le protoxyde est donc irrespirable, et les inhalations du gaz pur doivent entraîner l’asphyxie comme il arrive avec les autres gaz indifférens. Et, en effet, les animaux sont tués rapidement en présentant les convulsions habituelles de la mort par privation d’air ; de même est-il mortel à l’homme, et c’est « commettre un crime contre la vie des personnes que de l’administrer à l’état de pureté. » Il est dangereux au même titre que tout autre gaz impropre à la respiration ; il l’est même davantage, car l’homme qui est plongé dans une atmosphère inerte est averti du péril qu’il court par l’oppression et les affres de l’asphyxie, tandis que l’ivresse du protoxyde lui dissimule la mort qui le menace et éteint le sentiment de conservation qui le pousserait à rechercher l’air respirable.

Comment donc s’expliquer l’innocuité des célèbres épreuves que Davy et tant de ses compatriotes ont faites au commencement du siècle ? C’est qu’ils ne faisaient pas usage de gaz pur, ils respiraient un mélange de protoxyde et d’air. Les ballonnets de soie gommée dans lesquels le gaz était conservé laissaient pénétrer de l’oxygène à, travers leurs parois perméables.

En même temps que le protoxyde d’azote anesthésie l’homme ou l’animal qui le respire, il l’asphyxie. Les deux phénomènes se