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fonction, peu recherchée, de diriger les études des jeunes clercs, Tout lui parut à reconstruire, depuis les bâtimens, où le marteau ne laissa d’entier que les murs, jusqu’au plan des études, que M. Dupanloup réforma de fond en comble. Deux points essentiels résumèrent sa pensée. D’abord, il vit qu’un petit séminaire tout ecclésiastique n’avait à Paris aucune chance de succès, et ne suffirait jamais au recrutement du diocèse. Il conçut l’idée, par des informations s’étendant surtout à l’ouest de la France et à la Savoie, son pays natal, d’amener à Paris les sujets d’espérance qui lui étaient signalés. Puis il voulut que sa maison fût une maison d’éducation modèle telle qu’il la concevait, et non plus un séminaire au type ascétique et clérical. Il prétendit, chose délicate peut-être, que la même éducation servît au jeune clerc et aux fils des premières familles de France. La réussite de la difficile affaire de la rue Saint-Florentin l’avait mis à la mode dans le monde légitimiste ; quelques relations avec le monde orléaniste lui assuraient une autre clientèle dont il n’était pas bon de se priver. A l’affût de tous les vents de la mode et de la publicité, il ne négligeait rien de ce qui avait la faveur du moment. Sa conception du monde était très aristocratique ; mais il admettait trois aristocraties, la noblesse, le clergé et la littérature. Ce qu’il voulait, c’était une éducation libérale, pouvant convenir également au clergé et à la jeunesse du faubourg Saint-Germain, sur la base de la piété chrétienne et des lettres classiques. L’étude des sciences était à peu près exclue ; il n’en avait pas la moindre idée.

La vieille maison de la rue Saint-Victor fut ainsi pendant quelques années la maison de France où il y eut le plus de noms historiques ou connus ; y obtenir une place pour un jeune homme était une grâce chèrement marchandée. Les sommes très considérables dont les familles riches achetaient cette faveur servaient à l’éducation gratuite des jeunes gens sans fortune qui étaient signalés par des succès acquis. La foi absolue de M. Dupanloup dans des études classiques se montrait en ceci. Ces études, pour lui, faisaient partie de la religion. La jeunesse destinée à l’état ecclésiastique et la jeunesse destinée au premier rang social lui paraissaient devoir être élevées de la même manière. Virgile lui semblait faire partie de la culture intellectuelle d’un prêtre au moins autant que la Bible. Pour une élite de la jeunesse cléricale, il espérait qu’il sortirait de ce mélange avec des jeunes gens du monde, soumis aux mêmes disciplines, une teinture et des habitudes plus distinguées que celles qui résultent de séminaires peuplés uniquement d’enfans pauvres et de fils de paysans. Le fait est qu’il réalisa sous ce rapport des prodiges. Composée de deux élémens en apparence inconciliables, la maison avait une parfaite unité. L’idée que le talent primait tout le reste