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et fière, le pouvoir peut-il être un but suffisant, peut-il être autre chose qu’un moyen, que l’instrument de quelque grande et méritoire entreprise ? L’ambition est légitime, elle est digne d’estime à la condition d’être désintéressée de tout mobile vulgaire et d’être justifiée par l’œuvre à accomplir. Quand Richelieu se saisit du pouvoir pour délivrer la France des étreintes de la maison d’Autriche, quand Pitt use sa vie à défendre le commerce et la prépondérance maritime de l’Angleterre, quand Casimir Perier devient ministre pour préserver son pays de l’anarchie, on ne peut se défendre d’admirer ces grands ambitieux ; et c’est avec justice qu’ils vivent dans la mémoire des hommes, lorsque tant de premiers ministres sont déjà oubliés. Et vous, dirons-nous à lord Beaconsfield, pourquoi donc avez-vous déserté la carrière des lettres lorsqu’elle vous avait déjà donné la célébrité, l’argent, l’influence, la grande et véritable influence, celle qu’on exerce sur l’esprit et les idées de ses contemporains ? Si vous vous êtes jeté dans la politique active pour cette pairie que vous avez commencé par refuser, pour ce cordon de la Jarretière que vous n’avez accepté qu’après l’avoir fait donner à tant d’autres, vous avez été bien coupable et bien malavisé. Mais non ; vous vous étiez proposé une œuvre de préservation sociale ; vous vouliez améliorer le sort des déshérités de la fortune, vous vouliez faire leur part d’influence et de pouvoir à tous ceux qui s’élèvent par le travail, et en désarmant ainsi des haines, en faisant tomber d’injustes préventions, vous aviez rêvé de consolider les institutions de votre pays : ce sera l’honneur de votre mémoire d’avoir tenté cette entreprise, même sans y réussir. Pourquoi donc, n’ayant à vous inspirer que de vous-même, n’avoir point donné à votre héros quelque noble pensée, quelque ardeur désintéressée ? Votre Ferrars n’est pas un ambitieux, c’est un vulgaire coureur de places : il pourra être premier ministre, il ne sera point un homme d’état. L’histoire n’enregistrera point son nom ! il tombera dans l’obscurité où sont ensevelis tant d’hommes qui ont occupé, sans les remplir, les places les plus élevées. Il sera un de ces vers luisans qui, un instant, attirent les yeux et que, l’instant après, on cherche vainement dans l’herbe assombrie.

La sœur mérite-t-elle mieux la place qui lui est faite dans ce livre ? Par quoi justifie-t-elle l’amitié, les éloges, l’admiration que lui prodiguent à l’envi tous les personnages ? Une occasion s’offrait de lui conquérir les sympathies du lecteur : elle n’a point été saisie. Remonté sur le trône de son père, le prince Florestan met sa couronne aux pieds de Myra. Il fallait faire refuser cette couronne, dont l’offre seule est déjà une si monstrueuse invraisemblance. Myra devrait se dire que la nation anglaise n’accepterait jamais