Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 43.djvu/379

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

méchans que la généralité des productions poétiques de cette époque peu littéraire. J’en cite une strophe à titre de curiosité :

Suis-moi dans les plaines du vide,
Mortel ! Sur le trône des airs
Vois ce feu moteur, il préside
A la marche de l’univers.
Astres, dont une main puissante
Sema cette voûte éclatante,
Parlez, qui vous tient suspendus ?
Ah ! sans cette force immortelle,
Roulant dans la nuit éternelle,
Les mondes seraient confondus.


Dans cette retraite de Kervenargan, Louvet, Pétion, Buzot et Barbaroux attendirent l’arrivée de la barque, préparée pour les conduire à travers la baie de Douarnenez jusqu’au bâtiment qui devait les transporter au Bec d’Ambez. C’est de là qu’ils partirent une nuit pour se mettre en quête de cette barque si impatiemment désirée. « Il n’était pas minuit, dit Louvet, quand nous arrivâmes au bord de la mer. A l’auberge où on nous avait fait préparer à souper, nous apprîmes que la chaloupe n’avait pas encore paru… Enfin on courut réveiller des pêcheurs qui, moyennant triple salaire, consentirent à nous recevoir dans leur barque ; mais il fallait attendre que la marée montante vînt la mettre à flot. C’était encore trois quarts d’heure à perdre, trois quarts d’heure à passer dans le voisinage du commandant du petit fort qui dominait la plage. Heureusement il avait déjà bu si raisonnablement qu’il ne songeait guère à s’inquiéter quelles gens s’impatientaient à côté de lui. La barque nous reçut sans accident… Il fallut ramer une heure pour doubler une pointe (probablement le cap de la Chèvre), où le vaisseau, qui devait rester un peu en arrière du convoi, avait ordre de nous attendre[1]… »

Kervenargan est situé à cinquante minutes du petit village de Poullan, qui dépendait jadis de l’ancien district de Pont-Croix. On s’y rend par un chemin creux qui part de Poul-Davit, et qui, toujours montant, finit par déboucher au milieu de la lande. Quand on approche du manoir, on s’imagine tomber en plein dans un roman de Walter Scott. L’habitation est complètement enfoncée dans les arbres. On y arrive par une longue avenue herbeuse, en pente, formée par une quadruple rangée de vieux hêtres. Au bout de l’avenue se dresse la façade grise d’un haut mur encadré dans deux tourelles aux toits en éteignoir. Le mur, tapissé de fougères et de pariétaires, est percé de deux portes à ogives tréflées : l’une

  1. Louvet, Mémoires.