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soigneux dans l’art d’administrer un parquet. Trop éloignés des travaux de l’audience, ne sortant des bureaux que pour essayer à la cour d’assises la défense de quelque accusé, ils négligeaient presque entièrement le droit civil, à moins que le dévoûment de quelque magistrat d’élite n’ouvrît pour ces futurs substituts une conférence, mais cet effort était exceptionnel, et les attachés ont fourni plus d’administrateurs que de magistrats d’audience.

Auditeurs, juges suppléans, attachés, telles ont été les formes successives et imparfaites d’une même pensée, souvent poursuivie et jamais réalisée. La constitution d’un noviciat judiciaire a été souhaitée à diverses reprises par les magistrats. — Un stage à l’entrée de la magistrature est nécessaire. — Ce stage doit être accordé au mérite et non à la faveur. Les conséquences se dégagent naturellement de ces principes. Ne serait-il pas aisé d’instituer auprès des tribunaux une école de magistrats où ne seraient admis que les plus dignes ? Le concours leur en ouvrirait les portes, et chaque année les jeunes gens les plus distingués s’offriraient aux magistrats pour les seconder et s’instruire à leur exemple. Entrons dans quelques détails, et voyons si ce projet est chimérique.

Le concours n’a rien qui doive effrayer ; chaque jour, il entre davantage dans les mœurs. Peu à peu toutes les carrières sérieuses l’ont exigé : l’instruction publique, l’inspection des finances, les ponts et chaussées et les mines, le génie et l’artillerie, l’auditorat au conseil d’état et à la cour des comptes, se recrutent de la sorte ; depuis peu d’années, les secrétaires d’ambassade eux-mêmes y sont soumis. Pourquoi la magistrature y échapperait-elle ? En 1875, M. Dufaure avait établi un concours périodique dont il est bon de rappeler les formes, car cette institution, détruite par ses successeurs, sera certainement rétablie par un garde des sceaux soucieux de la dignité judiciaire.

Ce concours ne donnait pas droit à un poste de substitut. Les candidats reçus entraient dans un corps d’attachés, répartis entre la chancellerie et les parquets des cours et des tribunaux. A la suite d’un premier concours, le conseil d’état fut saisi d’un projet de règlement d’administration publique et, en 1876, la réforme paraissait consacrée. Plus de quatre-vingts candidats, docteurs en droit, s’inscrivirent au concours de décembre 1876 ; le jury, présidé par un membre de la cour de cassation, comprenait des professeurs de la faculté, des magistrats et des membres du barreau. Les épreuves donnèrent les résultats les plus remarquables. Un tiers seulement des admissibles fut repoussé. La moyenne des épreuves fut telle que le jury, après avoir classé par ordre de mérite les seize premiers candidats qui allaient être nommés attachés, n’hésita pas à en recommander seize autres à l’attention du garde des sceaux.