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par suite de l’agio, qui a été, en moyenne, de 10 pour 100 et a monté par momens à 16 et 17 pour 100.

Une série de tableaux intéressans et très clairs constate, d’année en année, depuis l’établissement du cours forcé, ce que l’Italie a acheté à l’étranger en fait de matières premières, de machines et d’outillage industriel, de produits à demi ou complètement manufacturés, et un calcul très simple permet à M. Magliani de déterminer en chiffres la surcharge que l’élévation de l’escompte et l’agio ont imposée aux acquéreurs italiens. Le même travail a été fait pour les exportations, et le compte de chacun est établi avec précision. On ne tarde point d’ailleurs à démêler le motif auquel le ministre a obéi : en passant successivement en revue toutes les branches de l’activité nationale, il s’est proposé de démontrer à toutes les classes de la société qu’elles avaient un égal intérêt à l’abolition du cours forcé ; de plus, il a voulu faire partager à toutes la conviction que cette abolition devait être immédiate.

Le projet du gouvernement rencontre, en effet, trois catégories d’adversaires : les gens qui se font illusion sur les inconvéniens du cours forcé, ceux qui s’imaginent avoir intérêt à prolonger la situation actuelle, enfin ceux qui, d’accord avec le ministre sur la nécessité de la reprise des paiemens en espèces, appréhendent que les circonstances ne soient pas suffisamment favorables et qu’une tentative prématurée n’aboutisse qu’à jeter la perturbation dans les affaires et qu’à retarder un résultat éminemment désirable. M. Magliani a dû s’efforcer de répondre par avance aux objections qui ne peuvent manquer de se produire à ces divers points de vue.

La dépréciation du papier-monnaie a pour conséquence inévitable d’amener dans le prix des marchandises déjà fabriquées et payables en papier une hausse proportionnelle à l’élévation de l’agio sur les métaux précieux. Cet agio agit donc sur le prix des marchandises absolument comme le ferait l’établissement soudain d’un droit protecteur. L’industriel et le commerçant reçoivent pour les articles qu’ils livrent à leurs cliens une somme en papier supérieure à celle qu’ils auraient exigée auparavant, et, comme les salaires, les loyers, le taux des emprunts déjà contractés n’éprouvent aucun changement, il en résulte pour quelques personnes un bénéfice passager. Les gens qui ne jugent que sur les apparences se hâtent de conclure de ces faits accidentels que le cours forcé ne porte préjudice ni à l’industrie ni au commerce du pays et que, s’il met entrave aux transactions avec l’étranger, il oblige les acheteurs à s’adresser à la production nationale : M. Magliani répond avec raison que ce n’est point la valeur de la marchandise qui a augmenté, que c’est celle du papier-monnaie qui a décru, et qu’au surplus les salaires, les loyers, le taux des prêts et des avances ne tardent pas à subir