Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 43.djvu/473

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

public apercevra-t-elle entre l’état de choses actuel et celui qui suivra la réalisation de l’emprunt ? Où seront les élémens de l’effet moral qu’on se flatte et qu’il est si essentiel de produire ?

les apparences seront d’autant moins favorables que ce sont les coupures de dix francs que M. Magliani se propose de maintenir tout particulièrement dans la circulation, c’est-à-dire des coupures dont l’usage est de tous les instans. Il semble avoir des grosses coupures, si l’on peut donner ce nom aux billets de cent francs, une appréhension qu’on a peine à s’expliquer. Il paraît les considérer comme une menace permanente pour le trésor public. Nous croyons que cette opinion n’est pas fondée. Les grosses coupures ne se trouvent qu’aux mains des classes aisées, qui sont moins sujettes que les autres aux paniques et aux besoins urgens et qui sont mieux en situation d’apprécier les avantages de la monnaie fiduciaire. Pour les petites sommes, le papier ne peut soutenir la comparaison avec la monnaie métallique : une pièce de 5 francs ou de 10 francs sera toujours préférée à un billet de même valeur : c’est quand il s’agit de paiemens d’une certaine importance que la commodité de la monnaie fiduciaire apparaît si belle et si maniable que soit la monnaie d’or, cinq pièces de 20 francs sont plus embarrassantes qu’un billet de 100 francs ; plus le chiffre du paiement à faire ou de la somme à transporter s’élève, et plus s’accroît la supériorité du billet de banque, qui ne tient point de place et qui peut être envoyé dans une lettre. Si le commerce français a réclamé contre le retrait des billets de 50 et de 100 francs, c’est que les billets de 200 fr. ayant toujours été en très petite quantité, il ne serait plus resté, par le fait, aucun instrument d’échange intermédiaire entre la pièce de 20 fr. et le billet de 500 fr., et qu’il était impossible de recourir à l’emploi des lettres chargées pour une multitude innombrable de paiemens. La Banque de France n’émet plus de billets d’une valeur supérieure à 1,000 francs, et cela n’a point d’inconvénient, parce que les paiemens considérables s’effectuent à l’aide de viremens d’un compte à un autre, ou de chèques, ou des autres moyens perfectionnés d’échange dont les institutions de crédit nous ont dotés : cependant les notaires de province, qui ont souvent des sommes importantes à payer ou à expédier, regrettent parfois la disparition des coupures de 5,000et de 10,000 francs. Ce ne sont donc pas les billets de 100 francs et au-dessus qui auraient pu être une cause d’embarras pour le trésor italien : ces billets sont trop nécessaires aux transactions commerciales pour sortir aisément de la circulation, et ce sont ceux-là surtout dont le rôle grandit et dont le nombre doit être accru quand l’activité commerciale se développe.