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que la population, du royaume ne méritait pas les justes reproches qu’on adresse à celle des villes grecques de l’empire ottoman. Elle est honnête, simple et suffisamment laborieuse. Si les politiciens de profession laissent beaucoup à désirer comme moralité, il n’en est pas de même de la masse populaire, qui a réellement les vertus solides sans lesquelles une nation se laisse vite entraîner par les courans les plus dangereux.

Ce qui achève d’enlever à Athènes toute originalité, c’est le très petit nombre de costumes indigènes qu’on y rencontre. Tandis que, dans la plupart des villes orientales, les couleurs les plus variées, les formes les plus étranges, baignées dans une lumière éclatante, frappent, amusent, égaient et enchantent les regards, ici tout est gris, laid, et vulgaire. La fustanelle n’est plus portée que par une infime minorité de Grecs réfractaires aux usages modernes. L’immense majorité est vêtue à l’européenne ; la seule particularité qui distingue un Athénien d’un étranger, c’est la couche de poussière qui finit par s’attacher à lui. Rien n’est plus curieux que l’influence des costumes sur les types ! Les Grecs d’Athènes auraient le sort de Rica si on les trouvait en France ; tout le monde dirait en les voyant : « Ah ! ah ! ces messieurs sont Grecs : c’est une chose bien extraordinaire ! » Le fait est qu’ils nous ressemblent d’une manière tellement frappante qu’on a bien de la peine à croire, en se promenant à Athènes, qu’on n’est pas tout simplement dans une de nos villes du Midi. Les Grecs qui ont conservé la fustanelle sont arrivés, je ne sais comment, à conserver en même temps le type national. Ils ont d’ordinaire la longue et fine moustache, les traits aiguisés, les yeux étincelans, en pallikares traditionnels. Le jour où ils disparaîtront, il n’y aura plus de Grecs, la théorie de Fallmerayer sera vraie. Les femmes font venir leurs robes de Paris. Quelques-unes d’entre elles portent encore ce béret rouge avec un gland noir attaché à une longue tresse dorée, ou le gland doré attaché à une longue tresse noire qui encadrait si harmonieusement la tête de leurs aïeules. C’est tout ce qu’elles ont gardé d’ailleurs de l’ancien costume national ; plus de veston brodé, plus de larges manches détendant en éventail sur des mains délicates ! Il va sans dire que dans la bonne société personne ne porte ni fustanelle ni béret rouge. L’hellénisme s’arrête où la toilette commence.

Si l’on veut voir de belles Grecques, ce n’est pas à Athènes qu’il faut aller. J’en ai rencontré beaucoup à Alexandrie, en Asie-Mineure et dans les îles. A Athènes, le type féminin est ordinairement lourd. Malgré la splendeur des yeux, chose trop ordinaire en Orient pour qu’on y fasse attention, la vulgarité générale des formes cause une sorte de déception. Je fais, bien entendu, la part des exceptions, mais on ne peut parler que de l’ensemble. M. Edmond About