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d’indulgence que de Sévérité. Leur cause est Testée populaire à travers toutes les révolutions, toutes les crises, tous les bouleversemens. Cela devrait les rassurer ; mais rien ne le fait. Ce qui explique la crainte incessante où ils vivent de perdre l’estime et l’appui de l’étranger, c’est qu’en dépit de leurs prétentions, ils savent et sentent fort bien qu’ils ne sauraient se passer ni moralement ; ni intellectuellement, ni politiquement, ni matériellement du concours de l’Europe. Enfermés dans des frontières trop étroites, vivant sur un sol stérile, ils consomment plus qu’ils ne produisent. A part le raisin de Corinthe et les olives, leur terre ne porte que des pierres et quelques moissons insuffisantes. C’est donc au commerce, à l’industrie, aux rapports incessans avec les autres peuples qu’ils sont forcés de demander les ressources qui leur manquent. Si rapides qu’aient été leurs progrès, si éminens que soient quelques-uns de leurs professeurs, ils ont beaucoup à apprendre de l’Europe avant de posséder une culture complète. J’ai déjà dit combien ils étaient en retard pour les sciences exactes et pour les sciences naturelles ; ce n’est qu’en France ou en Allemagne que leurs étudians peuvent devenir de véritables médecins, des mathématiciens, des géologues, des chimistes, etc. Militairement et politiquement, leur faiblesse est incontestable. C’est en vain qu’ils ébranlent les marbres de l’Acropole du bruit de leur mousqueterie et que la voix de leurs canons trouble le calme ordinaire de la plaine de l’Attique, il n’y pas un homme éclairé parmi eux qui ne se rende compte de l’impuissance pratique de ces démonstrations belliqueuses. Pour étendre leurs frontières comme pour se procurer du pain, l’Europe leur est indispensable. Peu de hâtions vivent aussi directement et aussi entièrement du dehors. C’est pourquoi le plus fier descendant de Périclès se tourmente de ce que peuvent penser de lui les bourgeois de Londres ou de Paris, et se sent mal à l’aise à l’idée que la haute opinion qu’il a de sa personne risque de n’être pas partagée par tous ceux qui viennent la voir de près et qui retournent dans leur pays dire ce qu’ils ont vu.


IV

Athènes étant la capitale de la Grèce, c’est là qu’on peut étudiâtes politiques et les politiciens grecs. Ai-je besoin de rappeler quelle est leur réputation en Orient ? Par une coïncidence fâcheuse, on dit en général de la Grèce ce qu’on dit aussi de la Turquie : le peuple y est excellent, d’une grande moralité malgré les excès du brigandage qui ont totalement disparu depuis une dizaine d’années, d’une intelligence remarquable et d’un caractère très sûr ; mais la classe qui dirige les affaires inspire une grande méfiance