Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 43.djvu/580

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’étude de son architecture funéraire. Or, en tout pays, ce qui contribue surtout à déterminer le caractère et l’aspect de la tombe, c’est l’idée que l’homme se fait de sa propre personne et du sort qui l’attend après la vie. Pour s’expliquer les dispositions de la tombe égyptienne, il faut donc commencer par savoir comment ce peuple comprenait la mort et ses suites ; il faut se demander s’il croyait à une autre existence et comment il se la représentait. Les textes écrits et les monumens figurés permettent de répondre à cette question ; ils se complètent et s’éclairent mutuellement.

L’homme, dans la première période de son développement intellectuel, est impuissant à comprendre la vie sous une autre forme et dans d’autres conditions que celles qu’il trouve et qu’il constate dans sa propre personne. Il ne sait pas encore observer, abstraire et analyser ; il ne perçoit pas les caractères qui le distinguent du reste des êtres ; aussi, quoi qu’il considère, ne voit-il jamais que lui-même dans toute la nature. Lorsque, répugnant au néant, il cherche à se persuader qu’il va continuer de vivre après la mort, lorsqu’il travaille à se représenter cette existence d’outre-tombe, il se la figure aussi peu différente que possible de la vie qu’il mène sous le soleil. Étant donné cet état d’esprit et cette tendance, rien donc de plus naturel et de plus logique que la conception à laquelle aboutit l’intelligence, en face du problème redoutable qui se pose devant elle chaque fois que des yeux se ferment pour ne plus se rouvrir, chaque fois qu’un cadavre descend au sépulcre. Personne n’a mieux saisi que M. Maspero l’originalité de la solution adoptée par l’Égypte, personne n’a mieux exposé l’hypothèse à la fois grossière et subtile à laquelle ce peuple eut recours, afin de se convaincre que tout ne finissait pas avec le dernier soupir ; nous ne pourrons mieux faire que de lui emprunter à ce propos et les textes qu’il traduit et quelques-unes des réflexions que ces textes lui suggèrent.

On ne nous croirait pas, et on aurait raison, si nous affirmions que, pendant des milliers d’années, aucun changement ne s’est produit dans les idées que les Égyptiens se faisaient de l’autre vie. Ces idées ont été toujours en s’épurant et se raffinant. Sous la dix-huitième et la dix-neuvième dynasties, pendant les quelques siècles où l’Égypte porte le plus loin les limites de son empire et celles de sa pensée, on trouve, dans les monumens funéraires, la trace de plusieurs doctrines qui présentent des différences notables et même, si on les presse d’un peu près, de réelles contradictions. Ces théories sont autant de réponses successives que l’esprit, toujours préoccupé de l’éternelle énigme, a faites dans la suite des temps à une question toujours la même. A mesure qu’ils devenaient plus capables de spéculation philosophique, les Égyptiens