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presque toujours l’horizon oriental que regarde la porte de la chapelle funéraire[1] ; c’est toujours vers l’est qu’est tournée la stèle[2]. Dans la nécropole d’Abydos, portes et stèles sont plus souvent placées en face du sud, c’est-à-dire en face du soleil qui triomphe et qui monte au zénith[3] ; mais jamais, ni à Memphis, ni à Abydos, ni à Thèbes, la tombe ne prend jour sur l’ouest ni ne présente son inscription aux feux du soleil couchant[4]. Du fond des ténèbres où il demeure, le mort semble avoir ainsi les yeux fixés vers la région du ciel où se rallume chaque jour la flamme de la vie ; on dirait qu’il attend et qu’il épie le rayon qui doit venir illuminer sa nuit et le tirer de son long sommeil[5].


III

Les préoccupations et les idées que nous venons d’exposer étaient certainement communes à tous les Égyptiens, qu’ils fussent de haute ou de basse condition. Quand il sentait venir sa dernière heure, l’humble paysan ou le batelier du Nil ne devait pas être moins tourmenté que le pharaon lui-même du désir de se survivre et de se prémunir autant que possible contre les terreurs de la mort ;

…….. Mais, jusqu’en son trépas,
Le riche a des honneurs que le pauvre n’a pas ;

ceux qui pendant leur vie n’habitaient qu’une hutte de terre ou de roseaux ne pouvaient songer à se donner le luxe d’une tombe bâtie en briques ou en pierre, d’une maison construite pour l’éternité ; ils ne pouvaient espérer trouver dans l’autre monde les jouissances et les aises que celui-ci ne leur avait point offertes. La tombe, telle qu’elle résulte des conceptions que nous avons exposées, resta donc toujours le privilège exclusif de ce que l’on peut appeler la classe gouvernante, celle-ci comprenant, au-dessous des rois, des princes et des nobles, les prêtres, les chefs

  1. « Il en est ainsi, dit M. Mariette, quatre fois sur cinq. » (Les Tombes de l’ancien empire, p. 12.)
  2. Au fond de la chambre et regardant invariablement l’est, est une stèle. Ibid., p. 14.
  3. Mariette, Abydos, t. II, p. 43.
  4. Les tombes placées dans la chaîne arabique font nécessairement exception à cette règle. La position exceptionnelle que des circonstances locales avaient fait adopter les plaçait en dehors des conditions normales.
  5. Cette assimilation que l’imagination établissait entre la carrière de l’homme et celle du soleil avait été déjà très bien saisie par Champollion. C’est par elle qu’il explique les peintures des tombes royales de Thèbes. (Voir dans les Lettres écrites d’Égypte et de Nubie ce qu’il dit de la tombe de Ramsès, v, p. 185 et suivantes.)