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jamais ils n’ont pu se défendre d’un mouvement de surprise. Qu’il s’agisse de l’Égypte ou de la Phénicie, de l’Asie-Mineure, de Cypre ou de la Grèce, de l’Étrurie ou de la Campanie, leur étonnement était profond de trouver tant d’objets précieux et de chefs-d’œuvre de l’art ensevelis dans des caveaux où l’on avait espéré les dérober pour toujours à tout regard humain.

Chez nous, quand l’orgueil ou la piété entreprennent de décorer un tombeau, tout l’effort de l’architecte, du sculpteur et du peintre se concentre sur les dehors de la sépulture, sur l’édifice qui la surmonte. Quant au caveau, dans les plus somptueux monumens de nos cimetières, il est aussi simple et aussi nu que dans les plus modestes. La bière du pauvre se distingue à peine de celle du riche ; l’une est en sapin, l’autre est en chêne ; voilà toute la différence. Supposez que, dans quelques milliers d’années, les bâtimens de nos cimetières ayant été depuis longtemps détruits, on vienne à fouiller le sol qu’ils recouvraient autrefois, il sera bien difficile de deviner la condition du mort d’après les indices que fournira la chambre funéraire. La raison de ce contraste est facile à saisir : elle est tout entière dans l’idée que nous nous faisons de la nature humaine et des conséquences probables de la mort. La religion nous enseigne que l’homme est, dans ce monde, tout ensemble matière et esprit, que la mort met fin à cette union temporaire des deux substances, et que l’âme, séparée du corps, va recevoir dans un autre séjour la récompense ou la peine de ses actions ; la philosophie spiritualiste s’associe à ces espérances, et à ces craintes. Ceux mêmes qui ne les partagent pas s’accordent avec les croyans à penser que le cercueil ne renferme « qu’une poussière qui retourne à la poussière, » des élémens qui, ressaisis par les affinités chimiques, vont bientôt se séparer pour s’engager ensuite dans d’autres combinaisons. Elle-même, la mère pieuse et tendre qui vient s’agenouiller sur une tombe ne se figure point que l’enfant qu’elle pleure habite et vive sous cette dalle de pierre ; elle le sait, elle le voit parmi les anges du ciel. Si chaque jour elle reprend le chemin du cimetière, c’est surtout que nulle part elle ne se sent aussi libre de s’isoler et de s’absorber dans sa douleur, afin d’évoquer, loin de toute importune distraction, la douce et chère image.

L’architecture funéraire moderne part donc de cette idée que la tombe est vide ; le dépôt qu’elle abrite lui aura bientôt échappé, repris et comme entraîné par le courant de la vie universelle. Dans ces conditions, le tombeau devient surtout un monument commémoratif, témoignage plus ou moins sincère des sentimens de la famille ou de la société qui vient de perdre un de ses membres. Quant à l’étroit caveau où descend la dépouille mortelle, tout ce qu’on lui demande, c’est d’avoir la profondeur voulue, et d’être