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troupeaux qu’on a dû garder à l’établie pendant l’hiver et qui, affamés par la nourriture insuffisante qu’ils y ont reçue, se jettent avec avidité sur tout ce qu’ils trouvent, arrachent les plantes qu’un sol détrempé par la neige, ne relient pas, et creusent sur ce terrain mouvant des sentiers qui l’écorchent. Ils y reviennent en automne quand la neige les a chassés des sommets où ils ont passé l’été ; mais comme l’herbe a dans l’intervalle pris de la consistance, ils y font beaucoup moins de mal qu’au printemps. Dans les parties les plus élevées, à 2,000 mètres et au-dessus, sont les pâturages d’été, qui sont ou affectés aux troupeaux indigènes, ou loués à des bergers étrangers dits transhumans. Ils produisent une herbe courte, serrée et forment par l’enchevêtrement des racines une espèce de feutre épais. Comme ils ne sont pâturés que de juin en octobre, ils ne sont pas exposés aux mêmes dégâts que les pâturages de printemps et sont en bien meilleur état, surtout lorsqu’on a soin de limiter le nombre des animaux qu’on y envoie.

Les troupeaux admis au parcours sont de quatre sortes : 1° les vaches ; 2° les chèvres ; 3° les moutons indigènes ; 4° les moutons transhumans. Dans les Alpes françaises, le pâturage des vaches est l’exception, tandis que, dans les Alpes suisses, surtout dans les cantons, du centre, il est général, et c’est ce qui explique la différence de l’état des montagnes dans les deux pays. Les pâturages alpestres ou alpages, surtout, lorsqu’ils appartiennent à des particuliers, y sont l’objet de soins qu’on ne leur donne pas chez nous.. Les troupeaux de vaches, guidés par l’une d’entre elles, munie d’une clochette, et accompagnés de pâtres, escaladent les cimes dès que la neige a disparu, ils s’arrêtent d’abord aux alpages inférieurs pour s’élever peu à peu à mesure que l’herbe recouvre le sol. Chaque soir, les bêtes rentrent au chalet, où leur lait est immédiatement transformé en fromages. C’est là le revenu principal, et comme chaque pâturage ne peut nourrir qu’une quantité déterminée d’animaux, le rendement diminue si on en exagère le nombre.

On a dit que la chèvre est la vache du pauvre, et grâce à ce vieux proverbe, on la tolère presque partout, malgré les dégâts qu’elle occasionne et que personne ne conteste. Ces dégâts sont tels que le code forestier a interdit absolument l’introduction de ces animaux dans les forêts, tout en leur laissant l’accès des montagnes, où ils détruisent toute végétation. Les produits qu’ils donnent sont si peu en rapport avec les ravages qu’ils commettent, qu’ils devraient être considérés comme une espèce à anéantir.

C’est le mouton qui est surtout l’animal des Alpes françaises, sans qu’aucune circonstance particulière justifie ce choix, puisque certaines communes se livrent avantageusement à l’élève du gros