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moment favorable pour se prononcer et entretenait dans cette vue des correspondances avec les Américains du Nord. C’était fort connu. Mejia, averti, se contentait de dire : « Laissez faire, je surveille Cortina. » Au mois de mars, il fut question d’appeler Mejia à Mexico pour lui confier l’organisation de l’armée mexicaine. Cortina se trouvait avoir le champ libre, et ses intrigues pour livrer Matamoros aux libéraux se développèrent. Le retour de Mejia y coupa court ; mais au mois d’octobre, la situation parut assez tendue au maréchal pour que l’Adonis fût envoyé en reconnaissance. Tout était en désarroi. Faute de bateau à vapeur pour remonter le Rio-Grande, le capitaine de l’Adonis, M. Miot, eut besoin d’une forte escorte du général Mejia pour se rendre par terre de Bagdad à Matamoros. Le télégraphe entre Bagdad et Matamoros était coupé et les communications n’avaient lieu que par cigarettes au moyen de quelques Indiens. La campagne était aux dissidens, et il venait d’y avoir une petite attaque contre la ville. A Bagdad, comme aggravation, l’élément américain en ville était de la pire espèce et la garnison insuffisante, de sorte que le danger pouvait surgir de l’intérieur même. Quant à Cortina, il avait fait défection avec la troupe sous ses ordres et s’était joint au général dissident Carvajal. Pour compenser cette diminution de forces, les étrangers, qui, en cas de succès de Cortina, eussent craint d’être pressurés par lui, s’étaient armés et constitués en garde nationale. C’était pour le moment une bonne mesure qui permettait à Mejia de sortir au besoin ; mais on lui avait volé tous ses chevaux, et s’il prolongeait un peu quelqu’une de ses sorties, il n’y eût eu rien de bien étonnant à ce qu’il trouvât au retour la porte fermée. Pour compléter ce tableau, qui donne une idée du désordre d’une place mexicaine, les Américains semblaient de voir bientôt s’abattre en nuées sur la frontière. Il y avait des préparatifs non équivoques, et le général fédéral, qui n’avouerait rien, laisserait faire.

Ces nouvelles, rapportées par l’Adonis, furent suivies du départ immédiat pour Rio-Grande de la Tisiphone, qui arrivait de France comme relève du Forfait. Le commandant Collet devait communiquer avec le général Mejia pour parer aux événemens.

De son côté, le maréchal envoyait à Matamoros un bataillon de cinq cents hommes avec de l’artillerie, formant un total de six cent quarante honnîtes et quatre-vingts animaux. Il fallait se hâter, car les 50 millions de marchandises à Matamoros étaient faits pour décider tous les chefs mexicains à se prononcer afin de mettre la main dessus. Pendant que le Var portait le bataillon, le Magellan, l’Adonis et la Tactique allaient rejoindre la Tisiphone. Les chaloupes à vapeur, qui eussent été fort utiles, ne pouvaient malheureusement pas être amenées. Leurs chaudières étaient complètement