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tournades, si communes pendant l’hivernage. Il fut impossible de songer à poursuivre l’ennemi dans ce pays marécageux et au milieu de l’obscurité produite par un véritable déluge. On trouva seulement dix-neuf morts dans le camp et autour du camp, et on avait fait vingt-cinq prisonniers. Nous avions six morts et vingt-cinq blessés, et deux officiers contusionnés. Le 7 au matin, on procéda à la destruction des retranchemens et à l’établissement des Mexicains à Jonuta, où ils se fortifièrent avec le colonel Traconis. Les Français revinrent à bord du Brandon et les Autrichiens à Campêche.

Le résultat moral de cette brillante affaire fut très grand. Le Yucatan, pris de confiance, voulut marcher contre le Tabasco. Le commissaire impérial, très intelligent et voyant fort clairement que le nœud de la question mexicaine, envisagée au point de vue impérialiste, était dans la soumission des provinces du Sud, se résolut, ainsi que le général Castillo, qui commandait sous ses ordres à Campêche, à lancer à l’entreprise toutes les forces du Yucatan. Le commandant de la division navale était trop heureux de ce projet pour ne pas s’y associer pleinement, et il écrivit aussitôt au maréchal pour lui demander de le laisser coopérer à l’expédition avec tous les transports et toutes les forces militaires dont la marine disposerait. En attendant, il recommençait ses anciens préparatifs comme si l’autorisation de faire l’expédition eût été déjà donnée. La Tourmente avait ordre de se préparer, de surveiller plus activement que jamais la Frontera et le Chillepèque. Le Pique, partant pour Carmen, allait y chercher un canon de 30 du Brandon et se dirigeait de là sur Campêche pour prévenir le général Castillo que les transports allaient très prochainement prendre ses troupes. Le Brandon était averti de l’expédition, à laquelle il aurait la première place. La Tactique, momentanément détachée dans le Nord pour une commission à la Tisiphone, avait ordre de revenir le plus vite possible à la Frontera. Le Var embarquait la chaloupe à vapeur l’Augustine et se rendait à Campêche pour y prendre le corps de Castillo. Le commandant lui-même, avec le Magellan et l’Adonis, appareillait pour Sisal, afin de s’y mettre en communication avec M. Salazar llarregui.

Mais il semblait écrit que cette expédition contre le Tabasco serait un leurre éternel pour la marine. Au moment où le Yucatan allait marcher, une attaque soudaine des Indiens rebelles le jeta dans des craintes folles. On croyait les voir à Mérida et à Campêche. Tous les préparatifs commencés furent suspendus. Le commissaire impérial demanda des troupes à la marine, qui n’en avait pas. Il fallut, pour s’occuper de nouveau du Tabasco, que le commandant Cloué relevât le moral des Yucatèques en leur organisant