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l’Algérie et le Soudan, à travers ce Sahara si longtemps réputé inaccessible, une ligne d’eau et de verdure ininterrompue.


III

Convient-il de comparer dès aujourd’hui deux tracés sur lesquels les informations sont encore si loin d’être complètes ? Ce n’est, en somme, qu’imiter ce qui s’est fait à la commission supérieure, dont presque tous les membres, comme nous l’avons dit, sont arrivés avec une opinion faite. Le Transsaharien ne sera pas une affaire industrielle ; il va de soi pourtant qu’on devra s’efforcer de le construire de façon à ce qu’il coûte le moins et à ce qu’il rapporte le plus possible. Le coût et le rapport probables de chaque tracé, voilà donc ce qu’il faut comparer. Le tracé oriental aura à franchir le faîte du Hoggar et à passer par le pays alpestre de l’Aïr ; il y a donc des difficultés techniques à prévoir de ce côté ; pour le tracé occidental il n’y en a point : deux vallées à suivre pour arriver au Niger et par conséquent des pentes insensibles. Le tracé oriental nécessitera en outre des travaux considérables pour la recherche de l’eau ; sur le tracé occidental on l’indique partout comme très abondante. Le trafic local sur le tracé oriental sera à peu près nul. De Ouargla à l’Aïr, il y a 1,400 kilomètres du plus stérile des déserts, 1,400 kilomètres sans autre culture que les 200 palmiers de Temacinin. Qu’on songe à ce que coûtera une journée d’ouvrier quand il faudra amener là non-seulement l’ouvrier, mais encore l’eau qu’il boira, les vivres qu’il consommera, les ustensiles, tous les objets de campement et jusqu’au bois dont il aura besoin. Dans un pays plus de deux fois aussi grand que la France vivent les Azdjers et les Hoggars, qui forment vingt-quatre tribus : la plus importante d’entre elles peut mettre sur pied 200 hommes, il y en a beaucoup qui n’en peuvent pas mettre 20. Et encore M. Duveyrier dit-il qu’une population aussi clairsemée ne peut vivre des produits du sol, à moins d’avoir la sobriété du chameau. Qu’on juge par là de ce qu’il faut attendre de cette partie du Sahara ; ces 1,400 kilomètres ne produiront jamais un centime de trafic local, et exigeant cependant autant d’entretien que les autres, grèveront éternellement le budget du Transsaharien de frais improductifs. De Biskra aux frontières du Haoussa, pour 2,200 kilomètres de chemin de fer, on ne peut compter pour alimenter le trafic local que sur les 36,800 tonnes de produits qu’au dire de M. Rolland, peuvent donner les oasis du Sahara algérien et sur ce que fourniraient les 80 ou 100,000 habitans de l’Aïr, pays qui, s’il faut en croire Barth, nourrit également assez mal sa population. Le tracé occidental a sous ce rapport un avantage écrasant. Sur 1,100 kilomètres de parcours, un trafic qui serait peut-être suffisant