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considérable, d’arriver au Soudan par une vallée verdoyante, de desservir la vallée du Niger supérieur, pour laquelle la ligne du Sénégal sera vite insuffisante et que le tracé oriental n’atteindra jamais, de drainer ainsi le commerce du Soudan tout entier, d’être plus court pour atteindre le Niger moyen ; contre lui d’exiger 500 kilomètres de plus pour aller à Kano et plus loin dans l’est. Il ne serait point sage de ne pas attendre l’achèvement des études pour se prononcer définitivement, mais dès à présent on peut remarquer qu’il y a bien des avantages réunis du même côté.

Nous n’avons point parlé jusqu’à présent d’une objection qui a été faite au tracé occidental et qui a bien son importance, c’est que c’est une objection de circonstance, une objection politique en quelque sorte, qui ne nous semblait pas pouvoir entrer en ligne de compte avec les considérations, tirées de la nature du pays que nous venons d’exposer. Les siècles succéderont aux siècles, et il est probable que le Hoggar sera toujours aussi désolé ; c’est là une difficulté éternelle, tandis que la difficulté qui nous reste à mentionner peut disparaître du jour au lendemain ; elle est donc loin d’avoir la même force. De Figuig à l’extrémité du Touat, le tracé occidental traverse une région soumise nominalement à l’empereur du Maroc. Comment surmonterez-vous cette difficulté politique ? demandent les partisans du tracé oriental. Si nous osions dire toute notre pensée, nous avouerions que nous serions heureux que le gouvernement fût obligé de la surmonter, car il serait amené par là à mettre fin à une situation que nous supportons depuis bien des années avec une résignation qui ne nous fait pas grand honneur. Expliquons-nous. La frontière entre le Maroc et l’Algérie a été fixée par le traité de 1845, dont la colonie n’a jamais cessé de demander la révision. À partir de Teniet-el-Saci, les plénipotentiaires ont jugé inutile d’en fixer la ligne, « la terre ne se labourant pas ; » ils se sont contentés de faire le départ des oasis et des tribus qui relèveraient de la France et de celles qui relèveraient du Maroc. Les Beni-Guill, les Douï-Menia, les Amour et quelquefois\les-.A’it-Atta et les Aït-Eddeg, qui ont été attribués à cette dernière puissance, formaient autrefois la redoutable association armée i du Zegdiou qui envahissait régulièrement tous les hivers le territoire de la province d’Oran au moment où les troupeaux des nomades descendaient dans le Sud. Nous avons infligé plusieurs leçons sévères, à ces pillards ; leurs expéditions sont devenues moins considérables, mais elles n’ont point cessé. Depuis l’insurrection de 1864, une partie de la grande tribu oranaise de Ouled-Sidi-Cheikh s’est réfugiée chez eux, et ce ferment de haine n’a : point contribué, on le pense bien, à ichanger leurs dispositions à notre égard. Il ne se passe point d’année que quelques razzias ne soient tentées contre