Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 43.djvu/824

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et la régularité des opérations électorales, mission confiée dans chaque étal à la commission de recensement. Elle réduisait donc son rôle à celui du congrès lui-même, c’est-à-dire à constater si les déclarations des résultats du scrutin populaire émanaient de l’autorité qui avait mandat légal de faire ces déclarations, c’est-à-dire des commissions de recensement ; si les votes des électeurs présidentiels avaient été transmis en bonne et due forme sous pli cacheté, et s’ils avaient été accompagnés de certificats contresignés par l’autorité compétente, c’est-à-dire par les gouverneurs. Grâce à cette interprétation inattendue du compromis, la commission arbitrale supprima donc complètement La discussion des points défait et ruina l’espérance légitime que les démocrates avaient conçue de faire annuler les votes de quelqu’un des trois états objets du litige. Toutes les questions, y compris celles de l’éligibilité d’un électeur de la Floride et d’un électeur de l’Orégon, furent résolues contre les démocrates, et la commission arbitrale, opérant exactement comme l’aurait fait le sénat lui-même, et tenant pour indiscutables les bulletins de vote qui lui étaient remis, déclara que M. Hayes ayant réuni 185 voix, c’est-à-dire la majorité absolue du collège présidentiel, était élu président. Toutes les décisions furent rendues à la même majorité, les huit membres républicains votant invariablement dans un sens, et les sept démocrates dans l’autre, sans que personne, dans ce litige où aucun intérêt privé n’était en jeu, se fît le moindre scrupule de n’écouter que l’esprit de parti.

Plus les espérances des démocrates avaient été grandes, plus le désappointement fut amer. Les résolutions les plus violentes se firent jour aussitôt : les décisions de la commission arbitrale furent qualifiées d’ignoble escamotage, et il fut plus que jamais question d’en appeler aux armes. La situation était d’autant plus grave que l’on était arrivé aux derniers jours de février : le président allait être désarmé par l’expiration légale de ses pouvoirs ; le congrès était paralysé par l’antagonisme qui existait entre les deux chambres ; et les deux partis, enfiévrés par six mois de luttes électorales et trois mois d’incertitude et d’anxiété, s’exaspéraient l’un l’autre par un continuel échange de menaces et de défis. Une telle situation autorisait toutes les craintes ; mais les États-Unis firent voir, à l’occasion de cette crise, quelles épreuves redoutables peuvent être impunément traversées par une démocratie au sein de laquelle les principes religieux et les sentimens conservateurs ont gardé leur puissance et entretiennent dans la population le respect du droit et l’obéissance à la loi. Une crise vient-elle à se produire dans une telle démocratie, le véritable patriotisme, le sentiment des devoirs qu’imposent à tous la préservation de