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population. Dès le début de la lutte électorale, il s’était déclaré en faveur des réformes, administratives et de la punition des concussionnaires, et bien qu’il eût soutenu devant la commission arbitrale la thèse favorable à la candidature de M. Hayes, il avait, à cette occasion, prononcé sur les droits des états et les devoirs de l’autorité centrale un discours qu’aucun démocrate n’aurait désavoué. Sa présence dans le cabinet était donc une garantie pour le Sud.

M. Karl Schurz, appelé au ministère de l’intérieur, est un Allemand qui s’est réfugié aux États-Unis après les événemens de 1848. Il s’y est fait naturaliser, et il est citoyen du Missouri. Pendant la guerre de la rébellion, il a servi avec distinction dans l’armée fédérale, à la tête d’une brigade exclusivement formée d’émigrans allemands ; mais il a été un des premiers à recommander, après la victoire, la modération et la justice vis-à-vis des vaincus. Sénateur pour le Missouri, de 1869 à 1875, il avait fait une opposition très vive à la politique du général Grant, et il était devenu l’un des chefs du groupe des républicains libéraux qui avaient combattu la réélection du général. Il avait appuyé de sa parole et de son influence la candidature de M. Hayes, mais en se déclarant le partisan très résolu de la réforme administrative. Le ministre de la guerre, M. Mac Crary, de l’Iowa, avait chaleureusement appuyé le bill de compromis au sein de la chambre des représentans. Le choix le plus significatif était celui du directeur-général des postes, M. David Kay, du Tennessee, Celui-ci était un démocrate de vieille roche et un ancien rebelle : il avait pris parti pour le Sud avec la plupart de ses compatriotes, et il avait fait toutes les campagnes de la guerre de la rébellion comme colonel du 13e régiment du Tennessee. A la mort de l’ex-président Johnson, il l’avait remplacé au congrès fédéral comme sénateur pour le Tennessee ; mais il n’avait pas tardé à résigner son mandat, afin de se consacrer exclusivement au barreau. Il jouissait d’une grande considération dans le Sud. En l’appelant à faire partie du cabinet, M. Hayes donnait le premier exemple d’un président faisant entrer au conseil des ministres un représentant du parti vaincu. Il va sans dire qu’avant M. Kay aucun rebelle amnistié n’avait rempli des fonctions fédérales de quelque importance.

Parmi les autres membres du cabinet, le ministre de la marine, M. Richard Thompson, de l’Indiana, et l’attorney-général, M. Devens, du Massachusetts, n’avaient encore joué aucun rôle marquant et n’avaient point d’antécédens qui les empêchassent de se rallier à la politique de modération du président. Un seul ministre, celui des finances, M. Shermam, de l’Ohio, frère du général en chef de l’armée fédérale, s’était montré hostile au compromis ; mais il était le compatriote et l’ami personnel de M. Hayes : il passait pour fort