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service public. A l’approche des élections d’automne, une circulaire adressée à tous les fonctionnaires fédéraux avait invité ceux qui faisaient partie de comités ou d’organisations électorales permanentes à s’en retirer immédiatement et avait interdit à tout agent fédéral, sous peine de destitution, de faire désormais partie d’aucun comité, d’aucune assemblée préparatoire, d’aucune convention. Cette circulaire fut commentée publiquement par M. Sherman, pendant une tournée qu’il fit dans l’Ohio. Le ministre des finances expliqua que toute liberté était laissée aux fonctionnaires fédéraux de donner cours à leurs préférences personnelles et même de les faire connaître par la parole ou par l’impression, mais qu’il leur était interdit de jouer, un rôle actif dans une organisation électorale quelconque. Cela était à merveille, mais le gouvernement aurait-il la force de faire observer une règle aussi contraire à des habitudes invétérées !

M. Conkling, qui était l’homme le plus considérable du parti républicain dans le New-York, attachait une grande importance aux élections de cet état, en prévision du jour où il aurait à solliciter le renouvellement de son mandat de sénateur ; il s’était habitué à y exercer, grâce à la faveur du général Grant, une influence sans rivale et à y disposer de tous les emplois. C’était sur le prestige qu’il avait acquis ainsi que reposaient ses espérances d’être élevé un jour à la présidence. A son instigation, trois des principaux fonctionnaires fédéraux de New-York acceptèrent de faire partie de la convention préparatoire chargée de désigner les candidats républicains dans les élections d’automne ; M. Cornel, qui occupait les fonctions de directeur des douanes, le poste le plus important et le mieux rétribué de tout le service financier, brigua ouvertement et obtint la présidence de la convention. Il était impossible de jeter un défi plus direct au premier magistrat de la république, et si M. Hayes fermait les yeux sur une insubordination aussi flagrante, c’en était fait de ses promesses et de toute tentative de réforme. Le président n’hésita pas et frappa immédiatement les trois fonctionnaires désobéissans. La nomination de leurs successeurs devait être confirmée par le sénat, et c’était là que M. Conkling attendait le président. Aux termes d’un amendement introduit dans la constitution, pendant la guerre civile, pour désarmer le président Johnson de sa plus importante prérogative, le président n’a plus le droit complet de révocation ; il ne peut plus que suspendre les fonctionnaires, et si le nouveau titulaire qu’il présente pour un poste n’est pas agréé par le sénat, le fonctionnaire suspendu reprend ses fonctions. M. Conkling combattit de toutes ses forces la confirmation du successeur donné à M. Cornel, et comme celui-ci