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candidats de leurs amis à ceux de leurs adversaires. La réforme administrative avait vécu.


III

La prospérité des États-Unis était loin de se relever des atteintes que lui avait portées la crise de 1873 ; les résultats de l’année 1877 ne furent pas plus favorables que ceux de l’année précédente. Dès les premiers jours de l’hiver, les faillites commencèrent à se multiplier, et le nombre s’en accrut encore considérablement dans les deux premiers mois de 1873. Quelques personnes prétendaient bien que les maisons qui succombaient ainsi l’une après l’autre étaient celles dont l’existence avait été indûment prolongée par des expédiens et par l’abus du papier de circulation, et que leur disparition, en débarrassant le marché américain d’élémens sans force et sans moralité, rendrait aux affaires une assiette plus solide ; mais l’esprit public n’en était pas moins frappé de cette multiplication de sinistres financiers. La propriété foncière ressentait elle-même le contre-coup de cette émotion ; elle était atteinte d’une dépréciation considérable, et nombre de prêteurs sur hypothèque renonçaient à exécuter leur gage pour ne pas avoir à subir une perte plus forte encore que l’abandon des intérêts qui leur étaient dus. Les possesseurs des plus grands domaines ne trouvaient plus à emprunter sur leurs propriétés, et il ne se faisait plus d’affaires commerciales qu’au comptant. La disparition presque complète du papier de commerce enlevait aux banques des états riverains de l’Océan l’aliment principal de leurs opérations, et comme ces établissemens avaient à payer au percepteur fédéral et au percepteur de leur état des taxes fort lourdes qui s’élevaient ensemble à 5 pour 100 de leur capital social, ils avaient presque tous cherché dans une réduction de ce capital un allégement aux charges accablantes qui pesaient sur eux. Leur revenu le plus net provenait des fonds publics, dont ils se rendaient acquéreurs pour ne pas laisser sans emploi les billets qu’ils étaient autorisés à émettre et que le commerce recherchait pour les paiemens à opérer à l’intérieur.

Les états de la vallée du Mississipi, habitués à trouver dans les banques des états atlantiques les capitaux dont ils avaient besoin, souffraient plus que tous les autres du resserrement général du crédit. Au moment de la fièvre des chemins de fer, les états, les comtés et les villes avaient emprunté à l’envi, et sans discuter le taux de l’intérêt, des sommes considérables pour aider à la